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Wed, 14 Feb 2007 15:00:11 +0100
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Français / English

Reporters sans frontières
Tribune

14 février 2007

SOMMET FRANCE-AFRIQUE

Rêvons un peu !

Pour alimenter les derniers feux de son mandat à la tête de la  
République française, le président Jacques Chirac reçoit sur la  
Croisette l'essentiel des chefs d'Etat africains, les 15 et 16  
février, à l'occasion du 24e sommet France-Afrique. Un rendez-vous  
solennel, qui doit marquer la sortie de scène d'un président français  
profondément attaché à l'Afrique. Pendant deux jours, il accueillera  
ceux qui, quotidiennement, font et défont le destin d'un continent  
meurtri par des conflits armés insolubles et par une mondialisation  
féroce. Alors, rêvons un peu.

Cette perspective remplit d'espoir le cœur des démocrates africains.  
Particulièrement les 44 journalistes incarcérés sur le continent pour  
avoir exercé leur métier. Car il est certain que Jacques Chirac ne  
manquera pas cette occasion unique de quitter l'Elysée avec panache.  
Au nom des valeurs de la République, sans aucun doute plaidera-t-il  
leur cause auprès de ceux qui sont responsables de leur  
incarcération. Et qui partageront sa table pendant deux jours.

Comment pourrait-on en douter ? Certes, Jacques Chirac n'a jamais cru  
bon de s'emporter contre le régime tunisien, malgré la corruption et  
le népotisme qui le caractérisent. Mais cette fois, il ne ratera pas  
l'occasion de défendre ces journalistes, intellectuels et militants  
des droits de l'homme que le président Zine el-Abidine Ben Ali et sa  
police font taire, tabassent ou emprisonnent. Jacques Chirac, n'en  
doutons pas, changera de vocabulaire pour s'adresser au chef de  
l'Etat tunisien. Il lui dira combien la méthode tunisienne, faite de  
filatures et d'arrestations brutales, aggrave la situation. La  
liberté d'expression lui semblera, cette fois, un droit fondamental  
sur lequel la France ne transige pas, au même titre que le droit à  
l'alimentation et à la santé.

De même, il est certain que le président Chirac prendra le Premier  
ministre éthiopien Meles Zenawi à partie. Il lui dira combien la  
France réprouve le maintien en détention, depuis 18 mois, d'une  
vingtaine de directeurs de journaux, accusés d'avoir voulu renverser  
le gouvernement, alors qu'ils n'ont fait que soutenir l'opposition.  
Il aura, bien entendu, un mot tout particulier pour la jeune  
journaliste Serkalem Fassil, qui a donné naissance à un petit garçon  
dans sa cellule, en juin dernier. Le président de la République  
française exigera leur libération.

Jacques Chirac réservera un traitement particulier au président  
Issaias Afeworki, le chef de la jeune République d'Erythrée, dont  
l'ancienne ambassadrice en France vient d'être décorée de la Légion  
d'honneur. Dans les 314 prisons de ce pays croupissent, depuis  
septembre 2001, des centaines de prisonniers politiques, dont une  
quinzaine de journalistes, arrêtés alors que le monde regardait  
ailleurs, vers New York et les tours du World Trade Center. La France  
exigera des explications sur le sort d'au moins quatre d'entre eux  
qui auraient succombé aux conditions de détention d'une cruauté  
inouïe qui règnent dans les bagnes érythréens. Refusant de serrer la  
main du Ceausescu de l'Afrique de l'Est, il clamera haut et fort que  
le comportement d'un régime aussi féroce mérite d'être sanctionné.

Et puis lorsque se présentera Yahya Jammeh, l'ancien sergent  
putschiste devenu président de la Gambie, Jacques Chirac s'inquiétera  
publiquement du comportement de son agence de renseignements. Il  
insistera sur l'assassinat encore impuni du célèbre journaliste Deyda  
Hydara, en décembre 2004, une affaire dans laquelle de forts soupçons  
pèsent sur les services de sécurité. Ce journaliste n'était-il pas un  
francophone militant, correspondant non seulement de Reporters sans  
frontières en Gambie, mais également de l'Agence France-Presse ? Il y  
a de quoi mobiliser le chef de l'Etat français.

Bien entendu, son ami Blaise Compaoré, président du Burkina Faso,  
s'entendra dire tout le mal que la France pense du déni de justice  
qu'endure, depuis 1998, la famille du journaliste assassiné Norbert  
Zongo. A l'occasion de sa dernière rencontre avec ce que l'Afrique  
compte d'hommes puissants et cultivés, Jacques Chirac lui dira que la  
République française ne peut plus continuer à se taire, alors que le  
président burkinabé couvre les agissements de son frère François,  
soupçonné d'être impliqué dans l'assassinat du directeur de  
L'Indépendant et de trois de ses compagnons.

Nous pourrions continuer l'inventaire du palmarès de quelques-uns de  
ces chefs d'Etat que la France a invités à goûter aux délices de la  
Côte d'Azur. Nous aurions pu aussi évoquer le journaliste franco- 
canadien Guy-André Kieffer, kidnappé en 2004 à Abidjan après être  
tombé dans un traquenard tendu par un proche du président Laurent  
Gbagbo. Mais la certitude de voir Jacques Chirac taper du poing sur  
la table, exiger des comptes, affirmer des valeurs universelles,  
défendre les démocrates, nous convainc de ne pas insister. Nous  
allons lire la presse avec impatience. C'est certain, le président  
français ne nous décevra pas.

Robert Ménard
Secrétaire général de Reporters sans frontières

Léonard Vincent
Responsable du bureau Afrique

Cette tribune a été publiée dans le quotidien français Le Monde daté  
du 15 février 2007

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FRANCE-AFRICA SUMMIT

Let's dream a little !

To stoke the dying fires of his presidential term, Jacques Chirac is  
receiving most of Africa’s heads of state for the 24th France-Africa  
summit in Cannes on 15-16 February. This ceremonial event will be one  
of the last appearances on the world stage of a president who has  
been deeply committed to Africa. For two days, Chirac will host  
leaders who decide the fate of a continent buffeted by intractable  
wars and savage globalization. So, let’s dream a little.

This event inspires African democrats with hope, especially the 44  
journalists who are currently in prison in Africa for practising  
their trade, as President Chirac is bound to not let slip this chance  
to leave the Elysée Palace with panache. In the name of republican  
values, he will undoubtedly plead their cause with those who are  
responsible for their imprisonment, and with whom he will be sharing  
the same table for two days.

How could we doubt this? Sure, Chirac never lost his temper with the  
Tunisian regime in the past, although it is characterised by  
corruption and nepotism. But this time he will not miss the  
opportunity to defend the journalists, intellectuals and human rights  
activists who are silenced, beaten up and imprisoned by President  
Zine el-Abidine Ben Ali and his police. Chirac, we can be sure, will  
use different words to address the Tunisian leader this time. He will  
tell him that Tunisia’s methods, its spying and its brutal arrests,  
just make things worse. This time he will see free speech as a basic  
right on which France cannot compromise, like the right to food and  
health.

In the same way, Chirac is bound to take Ethiopian Prime Minister  
Meles Zenawi to task. He will tell him how France condemns the fact  
that a score of newspaper editors have been held for 18 months on  
charges of trying to overthrow the government, when all they did was  
support the opposition. He will, of course, single out the case of  
Serkalem Fassil, a young woman journalist who gave birth to a baby  
boy in her cell last June. The French president will demand their  
release.

Chirac will reserve special treatment for Issaias Afeworki, the  
president of the young republic of Eritrea, whose former ambassador  
to France has just received the Legion of Honour award. Its 314  
prisons have held hundreds of political prisoners since September  
2001, including some 15 journalists. They were arrested as the world  
was looking elsewhere, at the World Trade Centre in New York. France  
will demand to know how it is that at least four of them have  
reportedly died as a result of the unbelievably cruel conditions in  
these Eritrean gulags. Refusing to shake the hand of this East  
African Ceausescu, Chirac will loudly insist that this ferocious  
regime’s behaviour must be punished.

The arrival of Yahya Jammeh, the former army sergeant who staged a  
coup to become Gambia’s president, will prompt Chirac to ask publicly  
about the activities of his intelligence agency. Chirac will press  
him about the still unpunished murder of leading journalist Deyda  
Hydara in December 2004, in which there are strong reasons for  
suspecting the security services. After all, Hydara was a keen French- 
speaker, and the correspondent not only of Reporters Without Borders  
but also Agence France-Presse. Good reasons for the French president  
to get involved.

His friend Blaise Compaoré, the president of Burkina Faso, will of  
course be told what a dim view France takes of the denial of justice  
which the family of L’Indépendant editor Norbert Zongo has had to  
endure since his murder in 1998. At his last meeting with Africa’s  
most powerful and cultured men, Chirac will tell Compaoré that France  
can no longer remain silent while he covers up for his brother  
François, who is suspected of being involved in the murder of Zongo  
and three companions.

We could continue to list the achievements of some of the presidents  
that France has invited to savour the pleasures of the Côte d’Azur.   
We could also have mentioned Franco-Canadian journalist Guy-André  
Kieffer, who was kidnapped Abidjan in 2004 after falling into a trap  
set by an associate of President Laurent Gbagbo. But the certainty of  
seeing Jacques Chirac pound his fist on the table, demand  
explanations, reaffirm universal values and defend democrats has  
persuaded us not to go on. We will read the press reports with  
impatience. The French president will surely not disappoint us.

Robert Ménard
Reporters Without Borders secretary-general

Léonard Vincent
Head of the Africa desk

This opinion piece was published in the French newspaper Le Monde on  
15 February

__________________________________________

Leonard VINCENT
Bureau Afrique / Africa desk
Reporters sans frontières / Reporters Without Borders
5, rue Geoffroy-Marie
75009 Paris, France
Tel : (33) 1 44 83 84 76
Fax : (33) 1 45 23 11 51
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Web : www.rsf.org



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