AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DEVELOPPEMENT LOCAL
Le grand échec de l’Etat

par Mame Aly KONTE | SUD QUOTIDIEN , mercredi 17 septembre 2008 | 171 Lectures

Au recensement de 1976, le Sénégal ne comptait encore que 5,1 millions d’habitants. A l’époque, le Cap vert concentrait l’essentiel de l’économie sénégalaise, avec 87 % des emplois modernes et 57 % du produit intérieur brut (Pib). Un peu plus de trente ans plus tard, le pays a fini de doubler sa population qui est passée à plus de 11 millions d’habitants. Symbole d’un aménagement du territoire sans inspiration, Dakar illustre bien un mal sénégalais : l’impossibilité de réussir toute réforme liée à la terre et à une bonne législation foncière.

Attaquée de toutes parts, par l’Etat, les collectivités et les spéculateurs, la capitale du Sénégal, a fini d’entamer ses dernières réserves foncières, autour de l’aéroport, de la Foire de Dakar, en attendant le sort hypothétique qui devrait être réservé à certaines forêts classées. Envahie par le béton, le logement et les investissements inadaptés, la ville flotte dans l’eau en ce milieu d’hivernage 2008.

Trois exemples de gouvernance urbaine sanctionnés par des échecs. La démonstration également que la ville africaine bâtie dans les normes qui fondent le fonctionnement des grandes agglomérations avec des systèmes de transports organisés, un assainissement sain et correct, n’est pas encore du domaine du possible ; quoi qu’en pensent les techniciens. Dans ce lot, l’ancienne région du Cap vert, qui concentrait au début des années 1980, les 20 % de cette population, (c’est-à-dire un Sénégalais sur 6) regroupe encore en son sein, près de la moitié de celle-ci.

Autour de Dakar, Pikine et Guédiawaye, la région de Dakar qui a pris le relais de l’ancienne entité aux trois circonscriptions (Dakar, Rufisque et Bargny) est aujourd’hui peuplée de plus 3 millions d’âmes. Une ville immense, débordée et dépassée dont personne ne peut prédire l’avenir. Toute cette importante population occupe une bande terre qui s’étale sur l’extrême ouest du pays sur une superficie de moins de 300 kilomètres carrés si on y extrait une partie de la grande côte qui va de Dakar à Kayar, le long de la grande Niaye.

La grande ville attire de plus en plus de monde à la grande joie des rabatteurs, de courtiers, d’usuriers, qui vivent de la terre et des dernières portions qui restent pour se faire de l’argent. Ainsi, campée, la question foncière autour de ses dérives et ses immenses problématiques liées à la gestion de l’espace, se pose sur un territoire où il ne reste plus grand monde. Au même moment, le reste du territoire sénégalais de Kaolack à Kédougou se vide.

1980-2000 : La transition bloquée

Au début des années 1980, les prévisions des économistes et des planificateurs urbains, mettaient déjà en garde sur le fait que les stratégies possibles de développement au niveau national avec les conséquences qu’elles impliquent pour Dakar à l’horizon 2000, se présentaient sous forme de scénarios contrastés. Pour se fixer sur des choix judicieux, le gouvernement de l’époque avait demandé des suggestions à la Banque mondiale et du Bureau international du Travail (Bit), des lignes d’actions prioritaires pour faire face au futur. Et deux ambitions contradictoires s’offraient aux autorités : celle de l’ouverture au monde et celle du repli sur soi.

Les experts notent ainsi qu’entre ces deux voix extrêmes, les planificateurs n’ont pas choisi. Et la conséquence a été que les plans successifs se sont caractérisés par des refus : refus de l’autarcie, refus de la domination extérieure, refus de la : concentration etc. Or pendant la même période et depuis le 3 ème plan de développement économique et social, le Sénégal visait entre autres à réaliser l’objectif d’accéder au rang de société semi-industrielle en 2001. Pour dire que le premier objectif devenait inéluctablement l’industrialisation. Mais où et comment se demandait-on encore à l’époque ?

Le second objectif vers lequel, voulait aller les autorités sénégalaises dans leur vision, est à tirer dans « l’option fondamentale qui est de réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur pour, disait-on à l’époque, sénégaliser l’industrie et l’orienter de façon privilégiée vers la satisfaction des besoins intérieurs… » On est encore loin de cet objectif au moment où l’on ne connaît pas encore ce que donnera la Grande offensive pour l’abondance et la nourriture (Goana).

Enfin, troisième objectif, la décentralisation. Menée au gré des ressources disponibles et des intérêts politiques du parti de l’époque, elle mérite une sérieuse réorientation. Ce fut d’ailleurs un lamentable échec, selon les observateurs à commencer par la société civile et les élus.

L’échec de ces tergiversations des autorités a mené le pays dans l’impasse à cause du manque d’audace. Avec comme résultat d’avoir accéléré la mort de l’agriculture dans certaines régions comme le Baol, une partie Cayor, en Casamance, et au Sénégal Oriental. Cela en dépit des politiques de relances tentées par Abdou Diouf et ses différents gouvernements.

Ce manque de vision claire a eu pour effet de renvoyer toutes ces populations rurales vers la côte atlantique plus hospitalière et plus attrayante en termes d’activités économiques. Cela également grâce au développement des sites touristiques, depuis Saint-Louis jusqu’au Cap Skirring, en passant par la Petite côte et le delta du Saloum. L’autre conséquence est le développement de l’économie informelle et de la mendicité autour des grandes villes côtières. Et dans le genre, Dakar et son agglomération sont en voie de battre tous les records.

Surdimensionnée et sans forme : Dakar explose

Dans une telle ambiance, la ville qui ne devait sa réputation qu’à ses vieux quartiers comme le Plateau, Médina, Grand Dakar, Sicap, Hlm, Castors Hann et Grand Yoff n’arrête pas de gonfler. Aujourd’hui, en dépit des actions entreprises par l’Etat, la ville menace d’imploser à cause de l’encombrement humain, mais aussi la généralisation des activités formelles et informelles.

La faute à une mauvaise organisation de l’espace, à l’extrême concentration des investissements en infrastructures dans une ville dépassée qui rassemble à elle seule, tout ce que Touba, Kaolack, Tambacounda, Saint-Louis et Ziguinchor ont encore de maladies dans le management et la gestion de l’espace. Résultat, entre le mauvais assainissement et son corollaire que sont les inondations, la ville ne sait plus où déverser son trop plein d’eau et d’ordures.

Dépassée et sans structure adéquate pour organiser la décentralisation, les délocalisations et l’aménagement du territoire, la ville a laissé ses populations flottantes s’installer où elles avaient envie. Avec comme autre conséquence, la disparition sur la carte, de la grande réserve foncière de Pikine irrégulier d’où sont sortis de nouveaux quartiers, Ben Barack, Nietty Mbar, Gounass, Diaksao, Aïnoumady, pour ne citer que ces mauvais exemples d’installations flottantes devenues quasiment formelles au nom de la loi depuis la décentralisation.

Finalement en la matière, une seule embellie pourrait être notée qui vient des effets du climat. Pour dire que le retour de la pluie a eu le mérite dans ces zones et dans nombre d’autres quartiers aménagés par les Parcelles assainies, à Keur Massar, sur le chemin des logements du Plan Jaxaay, de révéler les limites de telles pratiques en matière d’urbanisme. Et dans une telle ambiance, la banlieue sous les eaux n’émeut plus grand monde. A commencer par le président Wade, qui est allé de retour de Paris, faire un petit saut dans ces contrées d’un autre monde, symbole d’un dualisme urbain qui ne vend plus. Qui ne dérange plus personne. La preuve qu’il n’y aura plus jamais d’autres plans Jayaay. Qui ose parler dans ces conditions d’aménagement du territoire et de gestion saine de l’espace ?

 

 




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