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Reporters sans frontières
Tribune

19 septembre 2008

NIGER

Commémoration de la première année de détention de Moussa Kaka :  
Reporters sans frontières publie une tribune de Me Moussa Coulibaly,  
l'avocat du journaliste

Moussa Kaka est en prison depuis un an. Le directeur de la station  
privée Radio Saraounia, correspondant de Radio France Internationale  
(RFI) et de Reporters sans frontières au Niger, a été arrêté le 20  
septembre 2007, et accusé de "complicité de complot contre l’autorité  
de l’Etat". Commémorant sa première année de détention, Reporters  
sans frontières diffuse une tribune de son avocat, Maître Moussa  
Coulibaly. L'organisation invite les médias africains à la diffuser.

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Affaire Moussa Kaka : l'injustice n'a que trop duré

par Me Moussa Coulibaly, bâtonnier de l’ordre des avocats de Niamey,  
avocat de Moussa Kaka.

J’ai été surpris d'apprendre l’arrestation de mon ami Moussa Kaka, le  
20 septembre 2007. Je le connais depuis plus de vingt ans. Moussa est  
un vrai professionnel et un homme franc, un démocrate qui a contribué  
à l’approfondissement de la démocratie au Niger et qui a toujours  
fait son métier avec exigence. J’ai été d’autant plus surpris que,  
dès le lendemain, en direct dans le journal télévisé du soir sur la  
chaîne nationale, le procureur général s’est lancé dans une violente  
diatribe contre lui, l’accusant d’avoir fourni des renseignements aux  
rebelles touaregs et d’avoir été rétribué pour ces conseils. Depuis  
cette date, loin de la mobilisation internationale soutenant Moussa  
Kaka, la justice nigérienne s’est sérieusement penchée sur le  
dossier. Elle a conclu que ce journaliste très professionnel n’était  
pas cet « espion » ou ce « félon » qui entretiendrait des rapports  
avec des « bandits » contre les intérêts de son pays. Un premier juge  
d’instruction a jugé que les écoutes téléphoniques utilisées contre  
lui étaient illégales. Un deuxième, le doyen des juges d’instruction,  
a estimé qu’il n’y avait pas lieu de le poursuivre sur la base d’un  
dossier aussi maigre et d’accusations aussi graves. Pourtant, Moussa  
Kaka est toujours incarcéré à la prison civile de Niamey, par la  
volonté d’un ministère public dont l’obstination confine à de  
l’acharnement. Cela fait un an aujourd’hui. Cette injustice n’a que  
trop duré.

La première fois que j’ai eu accès au dossier d’accusation, après  
l’inculpation de Moussa pour « complicité d’atteinte à l’autorité de  
l’Etat », j’ai trouvé des procès-verbaux dans lesquels on posait à  
mon client des questions sur ses contacts avec Amnesty International,  
avec le chef de la rébellion Aghali Alambo, ainsi qu’avec le ministre  
français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner... Il n’y avait  
pas de liens directs clairs entre les questions, tout cela sentait le  
montage. Le dossier ne comportait pas de transcription des écoutes  
téléphoniques auxquelles le procureur avait fait référence dans son  
réquisitoire télévisé et sur lequel on interrogeait mon client. J’ai  
donc demandé au juge de rendre un non-lieu. Puisqu’il n’existait  
aucun élément matériel dans le dossier, il n’y avait pas d’infraction.

Réponse du magistrat : demande de remise en liberté provisoire  
rejetée. Remise en liberté provisoire que nous n’avions jamais  
demandée...

Le temps a passé et un nouveau juge a été nommé. Nous avons de  
nouveau demandé la production des bandes magnétiques qui « accusaient  
» prétendument Moussa. Le juge a fait le nécessaire auprès de la  
gendarmerie et les conversations privées du correspondant de RFI au  
Niger ont été versées au dossier. En les examinant, la première chose  
qui m’a frappée — outre qu’elles étaient inoffensives —, est qu’elles  
étaient tronquées de manière douteuse (une conversation de sept  
minutes tenant sur une demi-page, alors qu'une autre de deux minutes  
tenait une pleine page).

J'ai surtout noté que ces écoutes ont été effectuées sans mandat de  
justice et sans que l’on puisse en identifier les auteurs. J’ai tenu  
à rappeler que le secret des communications est protégé par la  
Constitution nigérienne et que la loi sur les télécommunications  
prévoit des peines de prison pour les contrevenants. Et, quelques  
semaines plus tard, le juge d’instruction, reconnaissant que l’on  
ignorait l’origine de ces bandes et l’identité de leurs auteurs, a  
estimé que leur valeur probante était viciée et qu’elles devaient  
être écartées des débats.

Le ministère public s’est pourvu en cassation et la plus haute  
instance judiciaire nous a renvoyés au point de départ, en affirmant  
que cette décision n’était pas du ressort du magistrat instructeur.

Nouveau juge, nouvelles audiences. Le doyen des juges d’instruction,  
cette fois, a entendu Moussa pendant plus de cinq heures, lors d’un  
interrogatoire sur le fond où le journaliste a enfin pu s’expliquer,  
le plus exactement possible, sur les maigres pièces du dossier  
d’accusation. Il a parlé de son métier de journaliste, de  
l’indispensable vérification des informations qu’il dénichait auprès  
de toutes les sources, y compris gouvernementales, de la façon dont  
tout professionnel doit mettre son interlocuteur en confiance. Le  
juge l’a écouté, a examiné les pièces du dossier, les objets saisis  
chez lui lors de la perquisition de son domicile : quelques coupures  
de presse, quelques casettes vidéos de reportages télévisés, des  
brouillons d’articles... Il n’y avait pas de plainte dans le dossier,  
pas d’aveux, pas de témoignages accusateurs. Il a rendu une  
ordonnance de non-lieu, conforme aux réquisitions définitives du  
procureur de la République. L’affaire aurait dû en rester là, si le  
gouvernement n’était pas, à la dernière minute, allé chercher le  
parquet général pour faire appel. Cette tentative d’instrumentaliser  
la justice commence, du reste, à en choquer plus d’un.

Aujourd’hui, les conséquences de cet acharnement sont néfastes non  
seulement pour lui-même, mais également pour sa famille. Moussa, sa  
femme et ses enfants ont été très affectés par la curée organisée  
contre lui par des gouverneurs, des ministres, des députés, qui  
l’accusaient publiquement d’être un « ennemi de la Nation ». Il ne  
pouvait pas se défendre contre cette campagne de diffamation  
d’ampleur nationale. Pendant qu’il est en prison, sa radio doit  
continuer sans son secours. Mais il tient le coup. Il sait qu’il est  
dans son bon droit. Le soutien qu’il reçoit de ses concitoyens, de  
ses confrères au Niger et dans le monde entier lui donne le courage  
de se battre encore.

Après cette année éprouvante, je veux dire aux accusateurs de Moussa  
Kaka que cette campagne de destruction d’un homme doit s’arrêter. Il  
n’est ni dans l’intérêt de la justice ni dans l’intérêt du Niger que  
Moussa reste en prison. On a beau jeu de nous répéter que l’affaire  
est entre les mains de la justice nigérienne. Car la justice a parlé.  
Il n’y a pas d’infraction à la loi. Il faut laisser Moussa Kaka  
retrouver sa famille. Sur la base du dossier actuel, il est désormais  
clair qu’on ne trouvera aucune juridiction digne de ce nom au Niger  
pour le condamner.

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