"Il vaut mieux aller au boulanger qu'au médecin" : cet adage
en forme de boutade serait assurément approuvé par les malades dont
le portefeuille se trouve pressuré par une conjoncture
particulièrement difficile. Nombre de malades se plaignent, à juste
raison d'ailleurs, de la cherté des médicaments de spécialité. La
"petite" ordonnance qui vous dégringole sur le coin de la tête
suffit pour s'en convaincre. Avec des spécialités hors de portée,
les malades peuvent cependant se tourner du côté des médicaments
essentiels, en dénomination commune internationale (DCI).
Notre
pays a adopté une politique pharmaceutique qui vise à rendre les
médicaments, géographiquement et financièrement accessibles, à tous.
Un des objectifs spécifiques de cette politique, est de développer
la diffusion des médicaments essentiels en DCI. Depuis des années,
des efforts sont déployés dans ce sens par de multiples
canaux.
Malheureusement les résultats ne suivent pas à l'allure
souhaitée et les praticiens font figure de principaux accusés aux
yeux des malades. Chacun a son explication sur la réticence des
médecins à prescrire systématiquement des DCI. Certains leurs
reprochent de subir la loi des firmes ou des laboratoires
pharmaceutiques. Selon eux, ces laboratoires imposent leurs produits
aux médecins par le biais des délégués médicaux. Mme Sidibé Martine
Sacko rencontrée à l'hôpital Gabriel Touré au chevet d'un malade est
de cet avis. Cette dame vitupère sans cesse contre les prescriptions
en spécialité.
Les autres ne vont pas jusqu'à accuser les
médecins d'être de connivence avec les laboratoires. Ils reprochent
toutefois aux praticiens de ne pas prescrire assez souvent des
médicaments essentiels, notamment dans les centres
hospitalo-universitaires (CHU). Une attitude d'autant plus
incompréhensible que les CHU disposent de pharmacies bien dotées en
médicaments essentiels en DCI.
Question : les médecins
doivent-ils prescrire forcément en DCI ? Pour le Dr Mamby Keïta,
chirurgien infantile à l'hôpital Gabriel Touré, il s'agit d'une
question d'habitude mais aussi de disponibilité. Toutes les
spécialités ne sont pas disponibles en DCI, explique-t-il en
reconnaissant toutefois que de 1998 à nos jours, de gros progrès ont
été réalisés en terme de promotion de politique de médicaments
essentiels en DCI.
Le Dr Mamby Keïta rejette l'idée faussement
répandue qui veut que l'on prescrive de moins en moins de DCI dans
les CHU. Du moins pour ce qui concerne le service de chirurgie
infantile de Gabriel Touré où il officie.
Le Dr Harouna Sissoko,
médecin généraliste dans le même établissement hospitalier, pousse
l'analyse plus loin. Pour lui au-delà de la disponibilité, c'est la
problématique de l'efficacité des DCI qu'il faut poser. Ces
médicaments sont parfois moins dosés en principes actifs ou ne sont
pas simplement disponibles. Il cite à titre d'exemple, le Solumedrol
(un corticoïde) qui existe en DCI sous le nom de Dexamethosone.
Sissoko constate que beaucoup de pharmaciens ne commandent pas la
forme DCI. Le solumedrol en DCI serait-il moins efficace
?
L'autre problème soulevé par le médecin généraliste de Gabriel
Touré, se pose en terme de sécurité des médicaments en DCI. Un
médicament exposé dans certaines conditions, comme c'est le cas
souvent des DCI, perd son principe actif et devient du coup sans
effet contre une pathologie donnée.
Un autre exemple, fourni par
le Dr Harouna Sissoko, concerne la ciprofloxacine ou "cipro". Ce
médicament dosé en 500 mg est, selon notre généraliste, plus
efficace en spécialité qu'en DCI où il n'est peut être dosé qu'à 300
mg. Ce qui ne peut avoir le même effet thérapeutique contre une
maladie donnée.
Les médicaments de spécialité sont soumis à un
mécanisme rigoureux de contrôle de qualité reconnaissent nos
interlocuteurs.
Ils n'hésitent pas, dans la continuité de ce
raisonnement, à incriminer certaines provenances de médicaments en
DCI. Ceux qui sont fabriqués au Nigeria, en Inde, en Turquie, entre
autres, ne sont pas efficaces parce que ne répondant pas aux normes
de qualité et de sécurité, estiment-ils. Par contre les DCI
provenant de Suisse, de Belgique ou d'Allemagne trouvent grâce à
leurs yeux pour être, selon le Dr Harouna Sissoko, normalement dosés
en principe actif et gardant la même efficacité que les
spécialités.
La déontologie et l'éthique médicale font que le
médecin n'a pas obligation de suivre une politique. A ce propos,
Harouna Sissoko précise que la médication relève de la seule
compétence du médecin. En d'autres termes, la décision thérapeutique
lui revient. Il doit suivre, comme le juge, son intime conviction
tout en tenant compte de l'accessibilité et de la disponibilité du
médicament mais aussi du pouvoir d'achat du patient.
Rappelons
que les DCI sont des médicaments dont le brevet est tombé dans le
domaine public, c'est-à-dire dans l'exploitation commune après
quinze ou vingt ans d'exploitation exclusive par un
laboratoire.
Le Dr Loseni Bengaly, pharmacien hospitalier à
l'hôpital du Point G, indique qu'ainsi les firmes et laboratoires
peuvent en fabriquer. Notre pharmacien s'empresse de souligner que
les antirétroviraux (ARV), ces médicaments qui permettent d'arrêter
l'évolution du Vih/Sida dans l'organisme, ont été, sous la pression,
rapidement disponibles en DCI.
Le problème ne se pose dans les
Centres de santé communautaire où toutes les prescriptions se font
en DCI qui sont moins coûteuses pour les malades. Le prix moyen des
ordonnances ici ne dépassant habituellement pas 2 500 à 3 500
Fcfa.
Un accompagnement plus empressé de la politique de DCI par
les praticiens, est aujourd'hui indispensable pour les malades. Ces
derniers doivent cependant comprendre que DCI, ne signifie pas
forcement efficacité.
B.
DOUMBIA