Dans une interview réalisée la semaine qui a
précédé la libération des quatre otages et publiée par El Watan
du 26 avril 2009, sous le titre, « Amadou Toumani Touré,
Président du Mali : « Nous refusons de jouer le
rôle de passeur d’argent », le chef de l’Etat malien
s’exprime sur les préoccupations de l’heure, notamment la
question des otages occidentaux. Nous reproduisons ici cette
interview dans son intégralité. (Lire aussi l’article publié par
Liberte-algerie.com du 27 avril 2009 sous le titre : Après les allégations du Président Touré : Quand
le Mali protège le GSPC ».
ATT at El Watan:
The interview that irritated Algerian Press.
In an interview conducted a week before the liberation of the 4 European hostages and published by El Watan on April 26th, 2009, under the title; Amadou Toumani Toure', President of Mali - "We refuse to play the role of conduit for ransom paymen ts", the Malian head of state shares the nation's current preoccupations, notably the question of western hostages. We reproduce here, the entire interview. (read also the article published by Liberte-Algerie.com of the 27th April, 2009 under the title - After the allegations of President ATT: When Mali protects the Salafists.
El Watan / Amadou Toumani Touré, Président du Mali : “Nous refusons de jouer le rôle de passeur d’argent”
In an interview conducted a week before the liberation of the 4 European hostages and published by El Watan on April 26th, 2009, under the title; Amadou Toumani Toure', President of Mali - "We refuse to play the role of conduit for ransom paymen ts", the Malian head of state shares the nation's current preoccupations, notably the question of western hostages. We reproduce here, the entire interview. (read also the article published by Liberte-Algerie.com of the 27th April, 2009 under the title - After the allegations of President ATT: When Mali protects the Salafists.
El Watan / Amadou Toumani Touré, Président du Mali : “Nous refusons de jouer le rôle de passeur d’argent”
C’est un homme très inquiet, non seulement de
la présence des terroristes du GSPC sur son territoire, mais
aussi des risques que cette présence peut entraîner sur les
relations de son pays avec l’Algérie. El Watan /
ATT, President of Mali: "We refuse to play the role of conduit
for ransom payments". He is a man concerned, not only with
the presence of GSPC on his soil, but also the attendant
risks that such presence could inure for
the Algerio-Malian relations.
Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder dans sa résidence de Bamako, Amadou Toumani Touré, président du Mali, affirme que son pays refuse de jouer le rôle de passeur d’argent dans les prises d’otages. Il rejette également les accusations portées à son encontre selon lesquelles son pays aurait accordé l’hospitalité aux terroristes d’Al Qaïda, notamment au nord du Mali.
In the conversation he afforded us at his residence in Bamako, President ATT reaffirms that his nation refuses to play the role of conduit for ransom payments in the matter of hostages. He rejects the accusations that his country provides a safe haven for Al Qaa'Ida terrorists, particularly in North Mali.
Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder dans sa résidence de Bamako, Amadou Toumani Touré, président du Mali, affirme que son pays refuse de jouer le rôle de passeur d’argent dans les prises d’otages. Il rejette également les accusations portées à son encontre selon lesquelles son pays aurait accordé l’hospitalité aux terroristes d’Al Qaïda, notamment au nord du Mali.
In the conversation he afforded us at his residence in Bamako, President ATT reaffirms that his nation refuses to play the role of conduit for ransom payments in the matter of hostages. He rejects the accusations that his country provides a safe haven for Al Qaa'Ida terrorists, particularly in North Mali.
ST : La région du nord du Mali connaît une
activité inquiétante des groupes terroristes, notamment avec les
enlèvements de touristes suivis de demandes de rançons. Que fait
le Mali face à cette nouvelle menace?
ST: The North of Mali knows a
disquieting activity by terrorist groups, notably the abduction
of tourists followed by dema nds for ransom payments. What is
Mali doing about this menace?
ATT : Aujourd’hui le plus important dans cette région est la paix entre les différentes communautés. Mais il ne faut pas se tromper. Ce n’est pas l’ensemble de la communauté targuie qui était en rébellion, mais une partie seulement. Grâce à l’accord d’Alger, aux efforts maliens et surtout à notre disposition en faveur d’un règlement, nous sommes aujourd’hui tous dans une logique de paix. Pratiquement, tous les combattants ont rejoint nos forces et ont déposé les armes. Nous sommes en train de dégager la voie pour la réinsertion des jeunes rebelles….
ATT: Today, what is most significant in North Mali is the peace among the various communities. We must not mistake the opportunistic terrorisms to be the handiwork of the entire Tuareg communities. Thanks to the Algiers Accord, efforts of ordinary Malians, and above all our pre-disposition for a sustainable solution, we are today, all in a frame of mind trained toward peace. Practically all the combattants have rejoined the national forces and have laid down their arms. We are in the process of expediting the reinsertion of young soldiers.......
ATT : Aujourd’hui le plus important dans cette région est la paix entre les différentes communautés. Mais il ne faut pas se tromper. Ce n’est pas l’ensemble de la communauté targuie qui était en rébellion, mais une partie seulement. Grâce à l’accord d’Alger, aux efforts maliens et surtout à notre disposition en faveur d’un règlement, nous sommes aujourd’hui tous dans une logique de paix. Pratiquement, tous les combattants ont rejoint nos forces et ont déposé les armes. Nous sommes en train de dégager la voie pour la réinsertion des jeunes rebelles….
ATT: Today, what is most significant in North Mali is the peace among the various communities. We must not mistake the opportunistic terrorisms to be the handiwork of the entire Tuareg communities. Thanks to the Algiers Accord, efforts of ordinary Malians, and above all our pre-disposition for a sustainable solution, we are today, all in a frame of mind trained toward peace. Practically all the combattants have rejoined the national forces and have laid down their arms. We are in the process of expediting the reinsertion of young soldiers.......
ST : Pensez-vous que toutes les armes ont été
déposées ?
ST: Do you think all the arms
have been laid down?? (Haruna - what a question)
ATT : Je dis que le dépôt des armes est beaucoup plus symbolique parce qu’il repose sur une volonté politique et morale de mettre fin à un évènement. De ce fait, je pense que personne ne peut avoir l’illusion que toutes les armes ont été déposées. D’abord, nous n’avons pas l’inventaire de toutes les armes et nous pensons que même si quelques unes restent entre les mains de certains, cela ne remettra pas en cause la volonté de mettre fin à la violence. Il faut aussi savoir que le peuple malien est un peuple de guerriers. De ce fait, s i certains gardent leurs armes c’est uniquement pour leur sécurité. Le plus important est que les armes déposées constituent un lot considérable, y compris en munitions. C’est un geste fort qui mérite d’être soutenu. Nous sommes en période de consolidation de la paix par la mise en œuvre des projets relatifs au développement local.
ATT: I share that the laying down of arms by former rebels is a symbolic act in and of itself. It reposes the settlement of the misunderstanding to political dialogue and moral serenity as opposed to violent exactions. In that regard, no one is under any illusion that all arms were laid down. Firstly, we do not have an inventory of all arms and munitions and we think that even if there are some who retained their arms, that will not reverse the voluntary cessation of hostilities. (My prophet ATT). We must also realize that the Malian people are culturally a warrior community. Therefore, it is quite possible that those who retained their armaments did so for their own security and protection. Allahu Akbar. Most significant is that the quantity of arms and munitions that were turned in represent a considerable number and merits commendation. We are now trained on maintaining the peace and implementing critical development projects for our people.
ATT : Je dis que le dépôt des armes est beaucoup plus symbolique parce qu’il repose sur une volonté politique et morale de mettre fin à un évènement. De ce fait, je pense que personne ne peut avoir l’illusion que toutes les armes ont été déposées. D’abord, nous n’avons pas l’inventaire de toutes les armes et nous pensons que même si quelques unes restent entre les mains de certains, cela ne remettra pas en cause la volonté de mettre fin à la violence. Il faut aussi savoir que le peuple malien est un peuple de guerriers. De ce fait, s i certains gardent leurs armes c’est uniquement pour leur sécurité. Le plus important est que les armes déposées constituent un lot considérable, y compris en munitions. C’est un geste fort qui mérite d’être soutenu. Nous sommes en période de consolidation de la paix par la mise en œuvre des projets relatifs au développement local.
ATT: I share that the laying down of arms by former rebels is a symbolic act in and of itself. It reposes the settlement of the misunderstanding to political dialogue and moral serenity as opposed to violent exactions. In that regard, no one is under any illusion that all arms were laid down. Firstly, we do not have an inventory of all arms and munitions and we think that even if there are some who retained their arms, that will not reverse the voluntary cessation of hostilities. (My prophet ATT). We must also realize that the Malian people are culturally a warrior community. Therefore, it is quite possible that those who retained their armaments did so for their own security and protection. Allahu Akbar. Most significant is that the quantity of arms and munitions that were turned in represent a considerable number and merits commendation. We are now trained on maintaining the peace and implementing critical development projects for our people.
ST : Vous êtes sur le point de tourner la page
de la rébellion au Nord, mais que comptez-vous faire pour lutter
contre20les réseaux d’Al Qaïda au nord ?
ST: You are on the cusp of turning the page on the rebellion in North Mali. But what do you propose to fight against Al Qaa'Ida resources in the North? Its a long interview. I vill be back. Haruna. Keep reading however until I return. Thank you.
ATT : Nous sommes conscients de ces menaces et dangers, mais à un moment nous étions plus partagés ou plutôt préoccupés par la situation très grave de la rébellion qui menaçait l’unité nationale. We were coscious of the menace and dangers. However, we were more concerned at the time with the Tuareg rebellion which posed a graver threat to our national unity. C’était le problème des touareg, et pendant des années nous avions les deux évènements en parallèle. Aujourd’hui, grâce à Dieu, nous avons pu ramener la paix. Mais en ce qui concerne l e problème des salafistes, je pense qu’il est plus juste de dire qu’ils sont dans la bande sahélo-sahélienne et non pas uniquement au nord du Mali. Ils voyagent beaucoup, ils se déplacent tout le temps et sont dans cette région depuis longtemps. And for some years now, the two menaces occured simultaneously. Today, thanx to God/Allah, we were able t o yield peace. In the matter of the Salafists, I think it is more accurate to say that they operate in the Sahelo-Saharan corridor rather than in North Mali. They are nomadic terrorists. They are on the go all the time. They have been native to this region for quite some time now. Nous avons senti toutes les menaces qui pèsent sur cette région, à savoir le trafic de cigarettes, d’armes, de munitions et de drogue, les passeurs de clandestins et la présence des salafistes. Toutes ces menaces sont transfrontalières et aucun des pays ne peut trouver, seul, la solution pour y faire face. Raison pour laquelle le Mali a proposé l’organisation d’une conférence, à Bamako, sur la paix et le développement. We have monitored all the menaces in this region, from the traffic in contraband, cigarettes, arms, munitions, drugs, to the people courriers and the Salafists. All the menaces are transnational and none of the constituent nations can singularly ameliorate the menaces. Reason why Mali has proposed a conference in Bamako on peace and development.Toutes les dispositions ont été prises et nous espérons qu’elle ait lieu le plus tôt possible, puisque les travaux préparatoires ont été terminés et les textes de base élaborés par les experts de chaque pays participant et leurs ministres des Affaires étrangères, à savoir le Tchad, la Libye, l’Algérie, le Niger , le Mali, le Burkina Faso et la Mauritanie. Nous attendons la réunion des chefs d’Etat pour apporter leur caution politique et dégager un plan commun pour gérer ensemble cette bande sahélo-sahélienne qui, à l’heure actuelle, nous échappe à tous. We have made all arrangements for the conference and we hope it can happen soon. The theme and texts have been worked on by the experts of participating nations and their ministers of foreign affairs. These are Tchad, Libya, Algeria, Niger, Mali, Burkina Faso, and Mauritania. We look forward to the meeting of our heads of states to recommend a common approach to the Sahelo-Saharan menace.
ST : Comment expliquez-vous q ue le Mali se
retrouve, après chaque enlèvement, le pays où les terroristes
négocient la libération des otages en réclamant des rançons
?
ST: How do you explain that
Mali finds itself, after each abduction, the country where the
terrorists negotiate the liberation of hostages for
ransom?
ATT : Vraiment je ne sais pas
pourquoi. Vous avez peut-être remarqué qu’aucune prise d’otages
n’a eu lieu au Mali, mais dans les autres pays situés au Nord à
l’Est et à l’Ouest. Maintenant la question que moi je me pose
est de savoir pourquoi les otages ont été enlevés là-bas et pour
quelles raisons les terroristes ont-ils fait autant de distance
pour les ramener au nord du Mali ? Nous avons fait des
investigations très profondes et nous nous sommes rendu compte
que c’était un peu exagéré. Ils sont dans la bande
sahélo-sahélienne et non pas uniquement au Mali. Ils bougent
beaucoup et s’arrêtent rarement dans un endroit. En 24 ou en 48
heures, ils traversent les frontières d’un pays à un autre.
Donc, dire qu’ils sont au nord du Mali est pour moi vraiment
réducteur. Raison pour laquelle je dis qu’il faut conjuguer nos
moyens pour lutter ensemble contre ces menaces. Il faut arrêter
de nous renvoyer la balle et de coordonner plutôt nos efforts
pour pacifier cette région.
ATT: Really, I do not
know why. You must probably have realised that none of the
abductions happened in Mali, but in other countries in the
North, East, and West. Now the question I ask myself is why the
terrorist travel enormous distances after abducting their
hostages to bring them to Mali? We have conducted some
investigations and we concluded the perceptions are a bit
exaggerated. The terrorists are in the Sahelo-Saharan Band of
which Mali is an entrepot (Carrefour if you will). They are a
mobile lot and do not camp in any one place for long. Evian. In
24 or 48 hours, they cross multiple frontiers. So to say they
are in North Mali is a bit simplistic. That is the reason why I
have suggested harnessing our resources to fight these menaces
together. We must cease to pass the buck and coordinate our
efforts to ameliorate the threat to the
region.
ST : Même si les enlèvements ont eu
lieu dans d’autres pays, vous ne pouvez contester le fait que
les otages ont été transférés vers le nord du Mali, où les
négociations pour leur libération sont en cours
?
ST: Even if the
abductions occur in other countries, you cannot argue the fact
that the hostages are then transferred to North Mali where
negotiations for their liberation is handled?
ATT : Non, ils ne sont pas au nord
du Mali. Je voudrais être clair ; le Mali ne veut pas entrer
dans une polémique sur le fait qu’ils soient sur son territoire
ou pas. Je dis qu’ils ne sont pas seulement au Mali, mais sur
toute la bande sahélo-sahélienne. Nous savons qu’ils bougent et
qu’ils vont d’un pays à un autre dans un espace de temps réduit.
Pour nous, cela a peu d’importance.
Effectivement, le Mali a eu à nouer
le dialogue et à chercher dans quelles mesures il pouvait aider.
Maintenant, dès qu’il y a une prise d’otages, on dit que les
auteurs sont au Mali, c’est vraiment exagéré. Il est vrai que le
Mali s’est impliqué dans le dénouement de la prise d’otages qui
a eu lieu en Algérie en 2004, puis dans celle qui a ciblé des
Autrichiens en Tunisie.
Aujourd’hui aussi, le Mali essaye
de s’investir pour voir quelles solutions il faudra trouver pour
libérer les otages dont vous parlez. Mon pays est dans une
situation très embarrassante et la plus gênante. On dit qu’ils
sont au Mali et tout le monde vient au Mali pour nous demander
de l’aide dans le cadre du dénouement de l’affaire.
Nous disons seulement que nous ne
sommes pas responsables de ces prises d’otages. Aucun des otages
n’a été enlevé au Mali. Raison pour laquelle nous avons dit
qu’au lieu de continuer à chercher qui est responsable, il faut
plutôt penser ce que nous devons faire pour empêcher ces
enlèvements et pacifier cette zone dont la sécurité concerne
tout le monde.
ATT: No. They are not
in North Mali. I want to be clear; Mali will not engage in the
polemic of locus ambiguiem. I share that they are not in Mali
only, but diffused in the Sahelo-Saharan region with outposts
partout. We know that they are constantly on the move and that
they travel efficiently because of their affinity for the
terrain and knowledge of the geography of this region. For us,
their peripheral presence in North Mali is not as significant as
their scope in the region. Effectively, Mali endeavours to establish dialogue
between the concerned parties and to figure out how we can help
stem the tide of indiscriminate abductions in the region.
Now, whenever there is an abduction, Mali is blamed for
theatre. Those claims are onerously exaggerated. It is true that
Mali was implicated in the processing of the hostages who were
abducted in Algeria in 2004, followed by the episode of the
Austrian hostages in Tunisia. Today also, Mali efforts to invest
in a solution for the four hostage currently held and of whom
you enquire. My country finds herself in an embarassing
situation and one of anxiety. You say they are in Mali, and
everyone comes to Mali to seek assistance in their liberation.
What we are saying, is that we are not responsible for the
abduction of hostages. Not a single hostage was abducted in
Mali. That is exactly why we appeal that in the stead
of groping for imprecise and unhelpful national
culprit, we must pause to reflect on what we can do to stem the
tide and to pacify the insecurity in the Sahelo-Saharan region
which affect all the world.
ST : Ne pensez-vous pas que le paiement d’une rançon pour
la libération des touristes allemands en 2004 a été pour
beaucoup dans la multiplication des enlèvements suivis de
demandes de rançon
?
ST: Don't you think
that the payment of ransom for the freedom of the German
tourists in 2004 has a lot to do with the proliferation of
abductions followed by demands for ransom that we are witnessing
today?
ATT : Je pense surtout que ces
prises d’otages risquent de porter préjudice à tous les pays de
la région. Reg ardez ce qui se passe dans le golfe d’Aden, avec
les actes de piraterie et tous les navires militaires dépêchés
dans la zone par de nombreuses puissances.
C’est le monde entier qui se sent
concerné par ce phénomène de rançon. Je sais qu’il y a un
dilemme extrêmement important : payer pour libérer les otages
et, de ce fait, prendre le risque de voir cet argent utilisé
contre nous-mêmes, ou ne pas payer et laisser les otages en
détention le plus longtemps possible. Maintenant, je dis,
cessons de nous accuser mutuellement et parlons entre nous de
cette menace qui pèse sur la bande
sahélo-sahélienne.
Je dis aussi qu’il ne faut pas se
voiler la face et cherchons une solution ensemble. Les rançons
ne sont pas le monopole de la bande sahélo-sahélienne. Nous
avons vu ça ailleurs et à plusieurs échelles. Il est maintenant
important de savoir comment la communauté internationale fait
face à de telles demandes et quelles sont les solutions les plus
appropriées à
prendre.
ATT: I think above
all else, the abduction of hostages risks prejudicing all the
nations in the region. Consider what obtains in the gulf of
Aden; Wanton acts of piracy with all the world's navies
dispatched in the area. It is the entire world that is concerned
with the phenomenon of gratuitous piracy and abduction. We have
a serious dilemma: Pay ransom for the freedom of hostages and to
have that ransom payment used against you, OR, Do not pay
ransom and leave the hostages in captivity for as long as
possible. What I say is: Let us cease groping for blame and
culprit and work together to stem the wanton abductions in the
Sahelo-Saharan region. I say also that we must not cut our
throats to spite our faces. We must resolve, with a united
front, to seek the solution to the menace. Ransoms are not
the exclusive domain of the Sahelo-Saharan region. We have seen
it elsewhere and in its various forms. It is now most important
for the international community to reflect on the most
appropriate solution for the
menace.
ST : Vous avez déclaré publiquement
lors des dernières prises d’otages : « Trop c’est
trop !!! ». C’est trop par rapport à quoi ? Les prises
d’otages, les rançons ou le fait que le Mali soit utilisé comme
terre de négociations par les terroristes ?
ATT : D’abord, les otages ne sont
pas Maliens. Les auteurs de l’enlèvement non plus et l’endroit
du rapt est hors de nos frontières. A la limite, de quoi nous
mêlons-nous ? Nous nous retrouvons dans des situations ambiguës
: c’est-à-dire d’une part, face à une situation humanitaire où
il faut vite aider, et d’autre part, face à une autre situation,
cette fois-ci sécuritaire, qu’il ne faut pas
encourager.
Nous sommes fatigués d’être face à
ces dilemmes, fatigués de gérer des situations aussi ambiguës et
aussi gênantes. Nous aurions pu adopter la position de certains
en disant que ce problème ne nous regarde pas, dès lors qu’ils
estiment que la bande sahélo-sahélienne est le nord du Mali. Il
faut que nous sortions de ce cercle vicieux et que nous nous
regardions en face, que nous parlions ensemble au lieu de
chercher qui a fait quoi. Ce qui est certain, c’est que ces
salafistes ne sont pas Maliens.
Ils viennent de quelque part non ?
Des Maliens sont parmi eux… Nous, nous n’avons pas de preuves
que des Maliens font partie de cette bande de salafistes, mais
je ne l’exclus pas. C’est là aussi qu’il faut prendre en compte
la dimension de ce groupe qui prône le nationalisme et entraîne
toute la bande sahélo-sahélienne, en profitant de nos
faiblesses, avec toutes les conséquence s que cela peut
engendrer. ST : En 2004, le nombre de salafistes évoluant dans
la bande sahélienne ne dépassait pas la soixantaine, alors
qu’aujourd’hui, ils ne sont pas moins de 250. Vous ne pensez pas
qu’ils ont trouvé un terrain propice dans cette région pour
l’installation d’une base arrière qui pourrait menacer le Mali
?
ATT : Le danger est d’abord pour
l’Algérie. Parce que c’est elle qui se bat depuis des années
contre cette force terroriste. Ce n’est pas le cas du Mali. A ce
jour, le Mali n’a jamais été la cible des salafistes. Mais t out
ce qui arrive à l’Algérie nous touche vraiment. Ce qui me
surprend, c’est plutôt la passivité des uns et des
autres.
ST : Vous voulez dire les pays
frontaliers ?
ATT : Tous les pays de la bande
sahélo-sahélienne nous disent, vous devez faire ça, mais alors
pourquoi eux ne l’ont-ils pas fait ? Nous avons dit que l’ère
des rançons est internationale et toutes les menaces auxquelles
nous faisons face ont une dimension internationale. Les réponses
ne peuvent être qu’internationales. Réunissons-nous et discutons
ensemble pour empêcher les prises d’otages et sécuriser la bande
sahélo-sahélienne. Raison pour laquelle, d’ailleurs, le Mali
attend cette conférence des chefs d’Etat qui, selon no us, est
la meilleure tribune pour prendre en charge ces
menaces.
ST : Tout le monde sait que la
libération des deux otages autrichiens enlevés en Tunisie a été
faite en contrepartie d’une rançon négociée par certains
notables maliens, alors qu’officiellement vous dites n’avoir
joué aucun rôle dans cette affaire. Qu’en est-il alors
?
ATT : Maintenant, je vais vous
parler en tant que président du Mali et ami de l’Algérie. S’il y
a eu rançon, je ne le sais pas, parce20que rappelez-vous, les
otages sont restés neuf mois entre les mains des terroristes. Le
Mali s’est limité à établir des contacts humanitaires. Nous
avons accepté d’aider nos amis autrichiens qui sont aussi les
amis de l’Algérie. Je le dis, en tant qu’officier d’honneur, et
je regarde l’Algérie, tout en le disant, que personnellement je
ne sais pas s’il y a eu une rançon.
Et s’il y en a eu une, je ne sais
même pas quel a été le montant et s’il a été versé. Ce dont je
peux vous assurer, c’est que ni le Mali, ni son président, ni
ses responsables officiels n’ont été impliqués dans une telle
transaction, si tel était le cas. Vous savez que nous n’avions
pas de contacts directs avec les ravisseurs, mais nous pa ssions
par des intermédiaires qui, eux, passaient aussi par d’autres
intermédiaires.
C’est vrai qu’il y a eu une demande
de rançon, mais j’ai été catégorique, en disant que je
n’accepterai pas de servir pour son paiement. Notre rôle se
limitait aux contacts humanitaires seulement. Nous avons refusé
d’entrer dans ce jeu parce nous savons que cela allait se
retourner contre nos amis, alliés et voisins, mais aussi contre
nous.
ST : Un commandant a été dépêché
par vos services=2 0pour négocier avec les ravisseurs la
libération des Autrichiens. Il a été tué en cours de route et
les accusations ont été portées contre certains de vos
militaires qui auraient changé le cours des négociations pour
arracher le paiement d’une rançon. Qu’en pensez-vous
?
ATT : Le commandant Mbarka a été
tué à la sortie de Kidal et jusqu’à ce jour l’enquête n’a pas
déterminé pourquoi et par qui. Où Mbarka partait ? Je ne le sais
pas.
ST : Certains disent que c’est vous
qui l’aviez désigné en tant que négociateur, il aurait été
détenteur d’un ordre de mission signé par vous…
ATT : Non, pas du
tout.
ST : Qu’en est-il des otages a
ctuellement détenus par des salafistes au nord de votre pays
?
ATT : Nous sommes en train de tout
faire, dans un cadre humanitaire pour que l’ensemble de ces
otages soient libérés sains et saufs. A tort ou à raison, nous
avons maintenant une réputation de négociateurs. Une mission qui
ne nous plaît guère. Que faudrait-il faire ? Croiser les bras et
attendre ? Nous sommes vraiment coincés entre les hésitations,
raison pour laquelle nous voulons que le sommet des chefs d’Etat
ait lieu20le plus rapidement possible pour que nous puissions
parler. Les gens disent, ils sont au nord du Mali, et le Mali
est un pays souverain qui n’a qu’à s’ouvrir. Pour nous, la faute
ne nous incombe pas.
Nous sommes très mal à l’aise.
C’est toujours à nous qu’on demande de l’aide et cela nous gêne.
Mais il y a une responsabilité que chaque pays doit prendre.
Revenez un peu en arrière. Il y a eu une première prise d’otages
en 2004, puis une autre, suivie de deux autres et nous
continuons à nous renvoyer la balle. Jusque-là, nous n’avons
rien fait. Nous ne faisons qu’attendre une autre prise d’otages
pour commencer à nous accuser mutuellement. Le sommet
sahélo-sahélien est important. Il nous permet de parler entre
nous sur la situation. Aucun pays, seul, ne peut faire face à la
menace. ST : Les preneurs d ’otages exigent une rançon et vous,
vous refusez d’accepter de jouer ce rôle d’intermédiaire pour le
paiement. Comment comptez-vous agir pour faire libérer les
otages mais aussi éviter de tels actes ?
ATT : Soyez sûre d’une chose. Le
Mali n’acceptera jamais de servir dans une quelconque
transaction financière entre les ravisseurs et les pays
d’origine des otages. Nous acceptons de passer par des
intermédiaires pour avoir des nouvelles et de nous inves tir
dans le domaine policier pour voir ce qu’il faut faire. Mais il
est important aussi de savoir que ces gens n’ont pas besoin du
Mali pour négocier une rançon. Le désert est grand et les
contacts sont multiples. Ils n’ont donc pas besoin de nous. De
notre côté, nous avons clairement dit à qui veut l’entendre que
le Mali ne jouera pas le rôle de passeur d’argent… ST : Même
dans l’affaire des otages autrichiens ?
ATT : Je ne sais pas s’il y a eu
une rançon, ni qui l’a versée. Le Mali a refusé de s’impliquer
dans une telle transaction.
ST : Mais il l’a fait lors de
l’enlèvement des touristes allemands en 2004…
ATT : Ces Allemands ont été enlevés
en Algérie… Puis, ils ont été emmenés au nord du Mali pour
négocier une ranC3on, obtenue par l’intermédiaire des Maliens…
Il faut quand même se poser la question sur l’endroit où ils ont
été enlevés. Nous nous sommes toujours demandés pourquoi les
otages sont enlevés ailleurs et dirigés chez nous. La première
responsabilité c’est là où les otages ont été enlevés. Cette
responsabilité ne doit pas être occultée. Pourquoi des pays qui
ont plus de moyens que le Mali n9 9ont pu les empêcher de
traverser la frontière ?
Ce n’est pas un reproche, parce que
nous savons comment les choses se passent. Par contre, nous
aussi, nous ne pouvons accepter d’être accusés sans avoir la
possibilité de nous défendre. Qu’on aide le Mali à trouver des
solutions. Vous savez que ses moyens sont limités. Il est pris
entre l’étau de deux situations difficiles. Accepter de servir
de passeurs d’argent au profit des terroristes, cela se retourne
contre nous. Rester les bras croisés, cela aussi se retourne
contre nous. Que pouvons-nous faire ? Pourtant, ce n’est pas
notre problème. Des partenaires des pays de l’Europe, les
Nations unies, le secrétaire général de l’ONU, nous interpellent
et nous disent qu’il faut que le Mali s’implique. Que faut-il
faire ? Rester les bras croisés ?
ST : Tous ces pays vous demandent
de servir d’intermédiaire ?
ATT : Non…mais dans tous les cas,
personne ne peut nous obliger à jouer ce rôle. Nous jugeons la
situation en fonction de notre conscience, et nous nous
abstenons de jouer le rôle de passeur d’argent. Vous êtes-vous
demandé pourquoi les otages autrichiens sont restés neuf mois
entre les mains de leurs ravisseurs. J’ai dit clairement que
s’il y a transaction, elle se fera sans mon pays.
ST : Est-ce la raison de cette
longue détention ?
ATT : Je ne sais pas. Mais ce que
je sais c’est qu’à chaque fois qu’il y a une prise d’otage, le
Mali est désigné comme négociateur. Je voudrais préciser aussi
que le Mali n’a pas vu un sou et ne s’est jamais impliqué en
tant que passeur d’argent. Sur un plan moral et humanitaire,
nous avons reçu des équipes chez nous et tenu qu’elles soient
là, à leur apporter notre aide et assistance afin qu’elles
soient plus près des événements. Nous l’avons fait par amitié à
ces pays, à nos partenaires au secrétaire général des Nations
unies, qui nous a appelés pour nous demander de nous
investir.
Je pense que ces otages ne
concernent pas seulement le Mali, mais aussi le système des
Nations unies auquel, nous tous, nous participons. Le diplomate
onusien est venu dans nos pays pour une20mission de paix et il a
été enlevé. Nous sommes tous sommés de nous impliquer pour
sauver sa mission, pas parce qu’il est Canadien, un pays qui a
de fortes relations avec les Etats de la région, mais aussi
parce que c’est un cadre des Nations unies. Je pense que la
responsabilité est partagée par tous les pays de la
région.
ST : Pensez-vous que leur détention
ne sera pas longue comme celle des deux Autrichiens
?
ATT : Vraiment, je ne sais dans
quel état sont les otages. Mais je souhaite qu’ils soient tous
libérés le plus tôt possible. D’abord vis-à-vis des Nations
unies, parce qu’enlever un cadre de cette institution donne une
très mauvaise image du continent en général et de la bande
sahélo-sahélienne en particulier. Le Mali seul ne peut rien
faire. Si nous nous engageons dans ces affaires d’enlèvement,
c’est uniquement dans un but humanitaire et non pas comme
passeur d’argent.
Nous savons à quoi sert cet argent
et le préjudice que ces fonds vont causer à des pays frères et
amis comme l’Algérie. Nous ne comprenons pas comment les
terroristes trouvent l’hospitalité auprès de la population du
nord du Mali, alors que dans d’autres régions pourtant
similaires comme le nord du Niger, de la Mauritanie et du Tchad,
ils sont pourchassés.
ST : Mais d’où sont-ils venus ?
Ils ont fui le sud de l’Algérie parce qu’ils n’étaient pas en
sécurité, qu’ils semblent avoir trouvée au nord du
Mali...
ATT : Non, non…avec toute l’amitié
et l’estime que j’ai pour votre pays, il va falloir que je parle
franchement avec vous. C’est facile de dire pourquoi le Mali n’a
pas fait ou aurait dû faire. Les questions que je me pose sont :
pour quelles raisons sont-ils venus au Mali ? Comment ont-ils
fait pour y arriver ? Quelle voie ont-ils empruntée ? Qu’ont
fait les autres pour les empêcher de franchir les frontières
?
Je pense que l’important n’est pas
de dire qu’ils sont au nord du Mali ou du Niger. Réfléchissons
un peu : pour se sentir un peu libre, il est plus judicieux de
choisir l’extrême nord du Mali, qui est à proximité de
l’Algérie, la Mauritanie. Le nord du Niger n’est pas rentable,
parce qu’il n’y a que l’Algérie et le Niger. De plus, la
rébellion qu’a connue le nord a rendu la région totalement
hostile aux personnes qui viennent se promener.
Une situation aggravée par les
affrontements fratricides entre quelques groupes de touareg.
Donc, en tant que soldat, si je dois aller chercher un refuge
quelque part, j’irais certainement dans cette région. Ils n’ont
ni visa ni passeport, y a-t-il plus propice pour eux qu’un
terrain où l’insécurité est totale ?
ST : Le diplomate onusien a été
enlevé par des contrebandiers et remis aux terroristes. Ne
pensez-vous pas que cette transaction démontre la corrélation
dangereuse entre les terroristes et l es trafiquants en tous
genres dans la région ?
ATT : Absolument. C’est pour cette
raison qu’il faut que nous parlions entre nous, en tant que
chefs d’État, de ces menaces. Chacun de nous est resté chez lui
en se disant que cela ne le concernait pas. En définitive,
aujourd’hui tout le monde accuse la bande sahélo-sahélienne, qui
est en réalité, nous tous, le Mali, le Niger, la
Mauritanie…
Dieu seul sait les efforts que
l’Algérie fait vis-à-vis de ce phénomène et combien son peuple a
souffert. Il lui a fallu beaucoup d’héroïsme et d’engagement
pour lutter contre ce fléau. Comment après tous ces efforts,
toutes les propositions faites par le président Bouteflika pour
faire revenir la paix, nous nous retrouvons incapables de réagir
contre cette situation.
Je pense effectivement qu’il y a
une constante qui réunit différents types de trafic très
rentables : la vente de cigarettes, d’armes et de munitions, les
passeurs qui achemine nt les clandestins vers l’Europe dans des
conditions inhumaines, et qui souvent les laissent mourir dans
le désert, et le trafic de drogue, la reine des menaces, le
danger le plus insidieux. La drogue vient de la Colombie par le
golfe de Guinée et traverse la bande sahélo-sahélienne pour être
dirigée contre notre jeunesse, notre avenir, contre lE2Europe et
contre tout le monde.
ST : Tout comme le trafic d’armes
…
ATT : Le trafic de drogue est
beaucoup plus dangereux, parce que la drogue rapporte d’énormes
fonds qui permettent d’acheter beaucoup d’armes et de
complicités. C’est un trafic extrêmement juteux.
ST : Est-ce que la porosité de la
frontière peut-elle s’expliquer par cette complicité achetée
?
ATT : La responsabilité est
commune. Je pense que pendant très longtemps, certains éléments
de la rébellion touareg ont beaucoup combattu pour pouvoir
marquer cet état de fait qu’est la revendication politique. Elle
a été analysée et acceptée dans le cadre d’un accord que nous
avons signé et mis en application. Mais certains ont continué.
Leur revendication était quoi ? Ils nous demandent de quitter
Tinzaouatine qui est un point de passage obligé de la limite
territoriale. Il faut se poser la question pourquoi cette
revendication. Je ne dirais pas plus, mais20seulement il faut
savoir qu’il y avait parmi les rebelles quelques éléments
déterminants.
ST : Pensez-vous que les
revendications politiques cachaient en fait leur complicité avec
les salafistes ?
ATT : Certaines de leurs revendi
cations étaient justes. Raison pour laquelle, nous les avons
acceptées. Comprenons-nous, certains qui ont plus de 50 ans, 60
ans et 70 ans, munis d’un armement et des véhicules
tout-terrains, renouvelés constamment, tiennent deux ans et
trois ans contre une armée. Ils parcourent des milliers de
kilomètres, changent les pneus, s’approvisionnent en carburant.
Comment est-ce possible ? C’est pour vous dire que quelque part,
il y a une nébuleuse qui sert et qui soutient ces groupes avec
des moyens financiers…
ST : ça peut être des États
?
ATT : Je ne le pense pas. Je suis
même convaincu que les Etats ne sont pas impliqués. Ces
activités sont toutes dirigées contre les Etats. Il faut quand
même préciser qu’au plan politique, les Etats nous ont beaucoup
aidés. Nous avons une relation exceptionnelle avec l’Algérie, le
Niger et les autres pays frontaliers.
Personne ne pourra me faire croire
que les Etats ont eu un rôle à jouer. Ce ne sont pas eux qui
vendent la cigarette et les armes ou qui font le trafic de
drogue et d’arme s et vous ne pouvez pas imaginer les tonnes
d’armes, de drogue et de cigarettes que nous avons interceptées
dans le Nord et à proximité de certains pays
frontaliers.
Le désert est tellement grand, et
lorsque nous avons autant d ’argent nous pouvons acheter autant
de complicités. Je ne peux faire ce raccourci et accuser les
Etats, les armées et nos services de sécurité de
complicité.
Je ne dirais pas aussi que tout le
monde est honnête, mais je suis convaincu qu’il y a une volonté
chez les pouvoirs politiques et aussi chez les opérationnels
pour combattre ces menaces qui déstabilisent notre
région.
ST : Après le sommet des chefs
d’État de la région prévu à Bamako, que compte faire
concrètement le Mali pour lutter contre le terrorisme
?
ATT : Le Mali fait toujours face
aux menaces. Nous les combattons quotidiennement. Les quantités
d’armes, de munitions et de drogue que nous interceptons
régulièrement sont la preuve de nos engagements sur le terrain.
Les bandes frontalières du Mali sont immenses au nord : 1200 km
de frontière avec l’Algérie, 2000 km avec la Mauritanie et 900
km avec le Niger. Est-ce facile de maîtriser tous ces espaces
avec le peu de moyens que nous avons ? Raison pour laquelle, je
dis que la solution ne peut être que
collective.
< div class=spip>ST :
A travers le sommet auquel vous avez appelé, vous voulez
impliquer politiquement et matériellement les États de la région
dans une lutte commune contre ces menaces...ATT.20Je crois qu’il est nécessaire
que nous partagions une vision, un plan d’action, une volonté
politique participative au lieu d’accuser l’autre de ce qu’il a
fait ou n’a pas pu faire. Autant nous mettre ensemble pour
décider de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Aucun pays seul
ne pourra trouver la réponse à cette situation. La solution ne
peut être que transfrontalière.
ST : Ne pensez-vous pas que
certaines puissances étrangères qui exploitent les richesses des
pays de la région font tout pour maintenir ces derniers en
situation de faiblesse ?
ATT : Je ne le crois pas. Dans
toutes nos analyses politiques et militaires, aucune information
de ce genre ne nous a été présentée. A ma connaissance, il n’y a
jamais eu d’Etat impliqué dans ces menaces. Si tel était le cas,
c’est que nous avons un déficit en informations. Si d’autres le
savent, il faudra qu’ils nous le disent.
Il faut que nous le sachions pour
prendre les mesures qu’il faut. Mais je ne pense pas que cela
soit le cas. Par contre, si nous n’arrivons pas à résoudre nos
problèmes n ous-mêmes, d’autres viendront le faire à notre
place. Je l’ai répété à plusieurs reprises, et ce, depuis le
premier enlèvement des touristes allemands. Depuis, combien de
prises d’otages y a-t-il eu ?
Et nous n’avons, encore une fois,
rien fait. Nous sommes là, coincés à attendre qu’un autre
enlèvement ait lieu pour commencer à chercher ce qu’il faut
faire. Les autres ont leur opinion publique tellement attentive
à la vie d’une personne que très souvent ils nous mettent
vraiment mal à l’aise parce qu’ils ne prennent même pas en
compte notre sécurité.
Il n’y a que la vie des otages qui
les intéresse. J’avoue que c’est de très bonne
guerre.
ST : Vous avez aujourd’hui deux
affaires sur les bras. Quatre otages détenus par un groupe et
deux autres par un autre groupe de terroristes. Que comptez-vous
faire concrètement pour les dénouer ?
ATT : J’avoue que je n’ai rien
concrètement. Ce que je fais est d’ordre moral et humanitaire…
Les services de renseignement des pays concernés sont à Bamako
et leurs gouvernements vous sollicitent et font pression sur
vous pour les aider… Personne ne fait pression sur nous. C’est
vrai, ils sont là. Ils attendent, ils cherchent des contacts,
etc. Ils sont très p roches des lieux et je pense qu’il y a plus
de poids sur eux que sur nous.
Ils ont une manière de voir qui est
peut-être différente20de la nôtre. Nous aussi nous tenons à la
vie des autres. Mais le Mali n’a rien à voir avec tout cela. Ni
les ravisseurs, ni les otages, ni l’endroit de l’enlèvement ne
sont maliens. C’est vrai, les gens sont venus nous demander de
les aider pour tenter de pister les auteurs et j’ai tenu à leur
dire que ces derniers ne sont pas seulement au
Mali.
ST : Vous voulez dire que les
otages ne sont pas au Mali ?
ATT : Je dis que les auteurs sont
dans la bande sahélo-sahélienne, pas uniquement au Mali. Eux,
ils rendent compte à leurs pays, à leurs gouvernements et à
leurs Parlements. Nous les comprenons. Une fois de plus, je dis
que le Mali aurait pu adopter une autre position. Mais il a
clairement affirmé qu’il ne rentrera jamais dans une quelconque
transaction financière. Maintenant que faut-il faire
?
Laisser que les autres viennent
faire ce qu’il faut faire à notre place et après aller chercher
des accusations contre le Mali ? Il faut nous aider et non nous
laisser gérer ces affaires en nous disant débrouillez-vous, vous
êtes un pays souverain. J’avoue que le problème est beaucoup
plus moral.
Il y=2 0a de très bonnes
coopérations avec certains pays. D’autres qui ne nous ont jamais
sollicités viennent nous demander notre assistance pour des=2
0raisons humanitaires et nous leur exprimons notre disposition à
les assister. Par contre, ce que nous ne pouvons pas faire,
c’est de prendre l’argent et les remettre aux ravisseurs pour
qu’il soit utilisé demain contre nos voisins. Moralement, nous
ne pouvons le faire.
ST : Vous avez déclaré publiquement
que vous suiviez ces affaires personnellement et de très près.
Quelles sont les revendications réelles des ravisseurs
?
ATT : Je ne sais pas exactement ce
qu’ils demandent. Ils en ont exprimé certaines sur leur site
internet et je n’en sais pas plus que ce qu’il y a sur ce
document. Je pense que le problème le plus important n’est pas
ce qui a été porté sur internet. Parce que les groupes sont
tellement différents et leurs positions sont tellement diffuses.
Je ne pourrais pas en dire plus sur cette affaire puisque les
enquêtes sont en cours…
ST : Pensez-vous que le dénouement
risque de prendre beaucoup de temps ?
ATT : Franchement, je ne sais pas.
Ce que je sais, c’est que j’ai hâte que le Mali en soit
débarrassé le plus vite possible. Il est quand même désolant de
voir que dans cette affaire, tous les20pays de la région sont
tranquilles, sauf le Mali parce que tout le monde estime que
c’est le Mali=2 0qui doit trouver une solution. Nous sommes
fatigués de jouer ce rôle. Nous ne savons plus quoi faire. Il
faut bien que nous parlions entre nous. Nous ne pouvons pas
comprendre les hésitations des uns et des autres.
Tout compte fait, nous avons besoin
aussi d’être entendus. Nous ne reculerons pas devant certaines
questions, mais en même temps il est important que tout le monde
s’implique dans la lutte contre toutes les menaces qui pèsent
sur la région. Le Mali d’aujourd’hui souhaite sortir de cette
situation le plus tôt possible. Par contre, il est important de
relever qu’il y a eu des enlèvements par
procuration.
Nous pouvons en parler parce que
nous avons arrêté deux ou trois éléments sur les six ou sept
ayant fait partie du groupe auteur de l’enlèvement du diplomate
onusien au Niger. Ils ont donné des détails sur cette
opération…
ST : Ce sont des Maliens ou des
Nigériens ?
ATT : Un peu de tout. Ils ne
reconnaissent ni frontière ni nationalité. Les prises d’otages
sont devenues un fonds de commerce. Il y a le grossiste et le
détaillant. Cela nous a permis de comprendre qui sont les
auteurs de l’enlèvement et à qui les otages ont étA 9 remis. Ces
informations nous ont aidés à dégager des pistes de recherche
assez=2 0importantes qui vont nous aider à traquer le reste du
groupe et à les arrêter le plus rapidement
possible.
ST : Vous confirmez que
l’enlèvement du diplomate onusien était une commande des
terroristes ?
ATT : Non, je ne le pense
pas.
ST : Mais vous venez de dire que
les auteurs ont agi avec une procuration…
ATT : J’ai dit par procuration
parce que nous nous sommes rendus compte que ce ne sont pas les
salafistes qui sont venus chercher les gens au Niger. Ce sont
des intermédiaires que j’appelle par procuration. Peut-être que
le mot ne convient pas, mais c’est la réalité.
ST : Les auteurs ont-ils remis
l’otage aux terroristes parce qu’ils n’avaient pas la logistique
pour le garder longtemps ou tout simplement parce qu’il
s’agissait d’une prestation de service payante ?
ATT : Je pense qu’au stade actuel
de l’enquête, dont les résultats seront certainement partagés
avec les pays concernés, la seule certitude est que les
terroristes ne se sont pas déplacés au Niger pour enlever M.
Fowler. Il fallait trouver des gens réguliers qui peuvent se
promener facilement au Mali et au Niger et un peu partout dans
la région. Parc e que tout compte fait,20il y a mille chemins
pour rejoindre le Mali. Maintenant, est-ce qu’il y a eu une
commande ou non, je ne sais pas ?, mais il s’agit bel et bien
d’une organisée. Ils ne sont pas tombés sur M. Fowler par
hasard.
Ils l’ont suivi et pisté et trouvé
le moyen de le prendre à des lieux où ils ont décidé de le
prendre. Ils n’ont même pas pris ses affaires. Ils n’ont pris
que la personne, pratiquement sans rien.
C’est pour dire que l’opération a
été bien préparée. Ils sont partis dans une zone qui n’est
contrôlée ni par le Mali ni par le Niger. C’est une réalité. Ils
connaissent et savent choisir les endroits qui les arrangent. Ce
n’était pas un hasard. L’opération a été bien
planifiée.
ST : Ne craignez-vous pas que cette
alliance entre les terroristes et les trafiquants en tout genre
ne constitue une grave menace sur la stabilité de la région
?
ATT : Justement, pourquoi la région
est-elle ciblée ? Parce que nous sommes tous là à nous regarder
et à nous renvoyer mutuellement la responsabilité sans prendre
la peine d’agir. La question n’est pas de savoir pourquoi les
salafistes sont au Mali, mais plutôt comment ils sont arrivés au
Mali ?
Il ne peut pas y avoir des choses
que le Mali et l’Algérie ne peuvent se dire. Nos deux pays sont
liés par des relations ancestrales et historiques. Lorsque j’ai
vu le président Bouteflika, il m’a parlé d’un Mali que je ne
connaissais pas. Il savait plus de choses sur mon pays que
moi-même. Il a travaillé avec mon père lors de la guerre de
libération. C’est pour cela que je dis que sur le plan
politique, nous avons des relations
exceptionnelles.
ST : Vous voulez dire que c’est sur
le plan opérationnel qu’il y a un problème ?
ATT : Il y a objectivement quelque
chose qui bloque sur le terrain. Pourquoi tout ce temps à ne
rien faire ? Pour quelle raison nous n’avons mis aucun
dispositif ou système d’alerte qui puisse nous permettre de
communiquer entre nous sur des menaces aussi graves ? Le Mali,
c’est une superficie de plus d’un million de kilomètres carrés.
La frontière entre l’Algérie et le Mali est de 1200 km, et avec
la ST : N’était-il pas question de créer ces patrouilles mixtes
algéro-maliennes pour assurer le contrôle de la zone
?
Je pense que le Mali et l’Algérie
sont en voie de voir comment travailler ensemble. Mais j’avoue
que nous sommes beaucoup plus au stade théorique que pratique.
Il faut que nous desce ndions un peu sur le terrain, parce que
c’est là que le problème se pose réellement.
ST : Lorsque vous avez lancé l’idée
de l’organisation d’un sommet des chefs d’État, vous avez invité
quatre pays, alors qu’aujourd’hui vous l’avez élargi à sept.
Pourquoi ?
ATT : Au début, nous avons invité
quatre pays, l’Algérie, le Niger, la Libye et le Burkina-Faso.
Les événements en Mauritanie ont fait que nous avons estimé
qu’il est important d’attendre que la situation se décante dans
ce pays, dont la participation au sommet est très
importante.
Mais rien n’exclut l’élargissement
à d’autres pays qui se sentent concernés par la bande
sahélo-sahélienne qui est devenue le théâtre de tous les
trafics. Regardons ce qui se passe dans le golfe d’Aden. Ce sont
les flottes du monde entier qui sont arrimées là-bas et qui
n’arrivent pas à trouver une solution. Les actes de piraterie se
poursuivent.
Alors, que dirions-nous, nous qui
sommes issus de cette région, démunis de tous les moyens de
lutte contre ces menaces. Je le précise, l’Algérie et le Mali
ont beaucoup réfléchi et il faut maintenant trouver un terrain
d’entente pour passer aux actions et prendre le problème A 0
bras-le-corps.
Nous s ommes face à un phénomène
qui ne connaît pas de frontières. Lors de la rébellion au Mali
et au Niger, les rebelles allaient jusqu’au Tchad pour
s’approvisionner en mines antipersonnel. Vous voyez bien que les
mines ne venaient ni du Mali ni du Niger. Ce qui prouve que ces
gens n’attendent pas de visas pour passer d’une frontière à une
autre.
Mais je me suis dit qu’au lieu de
se demander qui a fait quoi, il valait mieux s’asseoir autour
d’une table pour trouver ce qu’il faut faire le plus tôt
possible. Ceux qui sont en Europe ne peuvent pas se dire eux
aussi qu’ils sont loin et donc épargnés. La preuve, les otages
sont tous des Occidentaux.
Personne ne peut être à l’abri et
nous ne pouvons pas continuer à nous accuser mutuellement. Dans
notre région, il faut accepter que chacun de nous ait une part
de responsabilité. C’est pour cela que nous soutenons la
politique d’ouverture qui nous a permis de résoudre en partie la
rébellion touareg.
ST : Ne croyez-vous pas que la paix
reste compromise si des mesures socio-économiques ne suivent pas
l’accord d’Alger sur le terrain ?
ATT : Quand je parle du nord du
Mali, c’est comme si je parlais de l’Algérie. Gao, Tessalit et
Kidal sont pour moi la dernière wilaya de votre pays.20Ce sont
des régions très pauvres. Il n’y a pas de routes, de centres de
santé, d’écoles, de puits, de structures de base pour la vie
quotidienne. En fait, il n’y a rien. Un jeune de cette région
n’a aucune chance de pouvoir se marier ou réussir sa vie, sauf
peut-être de voler une voiture ou de rejoindre les
contrebandiers. Alors, donnons-leur une chance pour qu’ils ne
prennent pas les armes.
Je n’ai pas manqué de dire à mes
amis algériens de ne pas oublier que cette région est une wilaya
de votre pays vu les relations étroites qui lient nos deux
populations. Il faut qu’il y ait une vaste coopération dans le
domaine du développement, qui reste la seule parade contre
toutes les menaces.
Les routes que nous ferons, la
plâtrerie de Tessalite que nous avons installée pour avoir de
l’emploi, le carburant qui va coûter moins cher dans cette zone
constituent un ensemble de projets de développement que
l’Algérie a promis et c’est là qu’il faut aller très vite, car
il s’agit de la seule arme à même de combattre le fléau. Nous
pouvons avoir la plus grande armée au monde, mais nous ne
pourrons jamais venir à bout de ces menaces sans un
développement durable.
Regardez toute cette flott e
militaire qui est au golfe d’Aden et pourtant elle n’a20pas
réussi à stopper les pirateries. Cette jeunesse qui n’a rien à
faire tout au long de l’année devient corvéable et malléable par
tout le monde et tant qu’il y a des désœuvrés bien armés et bien
riches, les effectifs des salafistes se multiplieront et la
menace devient plus forte. Le message que je veux transmettre
lors de ce sommet, est celui-ci : il est temps maintenant de
prendre le problème ensemble.
C’est facile de continuer à dire
qu’ils sont au nord du Mali, et que le Mali répond en affirmant
qu’ils sont ailleurs et qu’entre temps, la bande vient commettre
une autre prise d’otages. La pauvreté est le terreau de toutes
les menaces. C’est pour cela que nous avons appelé ce sommet « Réunion pour la paix et le développement
».
J’avoue que nous avons voulu
attendre après l’élection présidentielle en Algérie et nous
espérons que ce sommet ait lieu le plus tôt possible. Tout est
prêt, nous n’attendons que la réponse du président Bouteflika
dont la présence à ce sommet est capitale tout autant que celle
du président libyen, Mouaâmar Al Gueddafi. Pour gérer ces
menaces, il faut que l’Algérie sache qu’elle a une wilaya de
plus qui est Kidal. L’histo ire de votre pays est liée à cette
région.
=0 A
Le Mali a soutenu la révolution
algérienne. Des membres de l’ALN étaient hébergés dans la région
de Gao et de Tombouctou. Bouteflika avait même le surnom de
Abdelkader El Mali. Il est très connu dans ces
villes.
Je pense que c’est une chance pour
nous qu’il soit président parce qu’il connaît très bien nos
problèmes et nos préoccupations. Propos recueillis par Salima
Tlemçani (la semaine dernière avant la libération de 4
otages).
Source: El Watan du 26 avril
2009
Le Républicain du 29 Avril
2009