L'utilisation de pneus d'occasion est devenu un réflexe
répandu chez les propriétaires de véhicule chez nous tant ces pneus
sont disponibles partout et surtout bon marché. Des gros-porteurs
aux camions en passant par les citernes, les bennes, les autobus,
les minibus jusqu'aux véhicules particuliers, tous s’accommodent
tant bien que mal avec ces pneus de seconde main. A Bamako, le
marché Dossolo Traoré est devenu au fil des années, le haut lieu du
commerce de ces pièces de fortune. Le fronton des boutiques affiche
des enseignes de marques célèbres comme Toyota, Mercedes, Citroën,
Ford, Hyundai, Terrano et Nissan etc. Dans ces magasins, s'empilent
des pneumatiques de tout gabarit.
TOUT LE MONDE EN IMPORTE. Le marché des
pneus d'occasion s’est agrandi au rythme de la croissance du parc
auto de notre pays. Il y a une quinzaine d'années, seuls des pneus
neufs étaient vendus dans notre pays par des concessionnaires
attitrés ou une poignée d'importateurs. Les seuls pneus d’occasion
disponibles sur le marché provenaient de véhicules de particuliers
ou de service. Ces pneus usés étaient liquidés aux vulcanisateurs
qui, eux mêmes, les refilaient à des charretiers car aucune auto
n’aurait pu rouler avec. Adama Traoré est un pionnier en la
matière. Le commerce, raconte-t-il, était dominé à ses débuts par
des étrangers notamment les Libanais. "Aujourd'hui, tout le monde en
importe. Les jeunes ont massivement investi le créneau. Mêmes les
vacanciers amènent d'Europe avec eux des conteneurs de pneus
d'occase", constate notre interlocuteur. Aliou Sylla est un poids
lourd de la vente de pneus à Bamako. N’est pas vendeur de pneus qui
veut, assure-t-il, car il faut connaître le circuit
d’approvisionnement et, surtout, avoir des fournisseurs bien avertis
en Europe. Les pneus d’occasion sont parfois obtenus gratuitement ou
acquis à vil prix à l’étranger, particulièrement en Europe et aux
États-Unis. Donc, il faut s’y connaître pour percer dans ce
business, fait remarquer le commerçant. Le parcours de Salif
Fofana est atypique. Cet ancien mécanicien s'est très vite converti
en vendeur de pneus d'occasion. "C’est un de mes clients qui m’a
initié au commerce de pneu", indique l'ancien mécano. Aujourd’hui,
il gère son magasin de pneus à Sogoniko sur l’avenue de l'OUA.
"C’est un commerce très juteux. Les marges bénéficiaires sont
vraiment intéressantes. Le pneu dont le prix de revient (toutes
charges comprises) est de 2.500 Fcfa, est revendu entre 6.000 et
10.000 francs. Le même pneu neuf coûterait entre 35 000 et 50 000
Fcfa", détaille le jeune homme avec un grand sourire. En effet,
l’écoulement se fait très rapidement, du moins pour certaines
catégories de pneus. Par exemple, les pneus 13 ou 14 que chaussent
les petites voitures sont très prisés. Le commerçant assure que le
conteneur qui contient plus 6.000 pièces du genre s’écoule en une
journée.
MARCHE FLORISSANT. "J’ai déjà vendu plus
d’une vingtaine de pneus dans la journée", annonce Hamidou Touré un
autre jeune revendeur, installé à Bagadadji. La saison chaude,
souligne-t-il, est la période la plus propice aux affaires. "La
raison est simple, avec cette canicule, les pneus éclatent au
moindre choc. Même chose pour la saison des pluies. Un pneu qui
entre dans une flaque d’eau se refroidit pour être à nouveau chauffé
par la chaussée. Et ainsi de suite. Le mauvais état des routes
contribue à écourter la vie d'un pneu sous les tropiques", analyse
le jeune revendeur. Le commerce du pneu d’occasion se porte comme
un charme. Selon le directeur national du Commerce et de la
Concurrence, Mahamane Ansoumane Touré, plus de 11 millions de tonnes
de pneus toutes catégories confondues représentant environ 12
milliards de Fcfa sont importés chaque année dans notre pays. Les
principaux fournisseurs du marché malien sont les pays de l'Union
Européenne, les États-Unis, la Chine, l'Arabe Saoudite, le Brésil,
le Canada, la Corée du Sud, l'Inde, l’Indonésie, le japon, le
Royaume Uni ainsi que le Maroc, l'Algérie, l'Égypte. C'est le
coût qui explique l'engouement des usagers pour les pneus
d'occasion. " Il n'est pas permis à tout le monde de s’acheter un
pneu neuf qui coûte plus de 35000 Fcfa. A cause de la difficile
conjoncture économique, les gens préfèrent recourir aux pneus
d'occasion qui ne coûtent que 4.000 ou 7000 Fcfa", explique Mahamane
Ansoumane Touré. Les principaux acheteurs des pneus d’occasion
sont les propriétaires de taxi, de minibus de transports collectifs,
de bus, de gros-porteurs, de tracteurs et de voitures particulières.
Bref, presque tout le monde. Dans les pneus d’occasion, rien ne
se perd disent les spécialistes du secteur. Après avoir servi les
véhicules ils sont récupérés par les charretiers pour chausser leur
attelage. Plus tard, les mêmes pneus peuvent servir à la fabrication
de produits caoutchoutés (semelles de chaussures artisanales). Ils
sont aussi utilisés dans les carrières ou en sport pour la
délimitation des aires de travail ou de jeu, etc. L'avenir des
pneus d'occasion n’est pas garanti pour autant. En effet, les
consommateurs prennent de plus en plus conscience de leur mauvaise
qualité. Les experts estiment qu'ils constituent une des causes
principales des accidents de la route. Selon, une enquête de la
gendarmerie nationale, du 1er juin 2008 au 28 février 2009, les
grands axes routiers de notre pays ont enregistré plus 47 accidents
imputables à l'éclatement et à la crevaison des pneus. Ces accidents
ont fait une trentaine de décès et une centaine de blessés graves.
Les enquêtes ont établi que 85 % des pneus des véhicules accidentés
étaient des pneus d'occasion. Dans le domaine, le petit prix
réduit la sécurité d’autant que la plupart des pneus importés
d’Europe ne sont pas forcément conçus pour rouler sur les routes
africaines.
Doussou
DJIRE |