Me Mountaga Tall à propos de la relecture du Code 



« L’adoption du texte en seconde lecture doit être une fête pour toute la République » 
Orateur fougueux et tribun hors pair, Me Mountaga Tall, le président du CNID-FYT, qui prône depuis 1994 la légalisation du mariage religieux, affirme dans cet entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder, qu’il n’a pas voté pour le refus de légaliser le mariage religieux, pour le refus de prendre en compte le vécu pour les successions mais qu’au contraire, il a été mis en minorité sur toutes ces questions.
L’Indépendant : Vous vous êtes toujours battu pour la légalisation du mariage religieux mais, au finish, vous avez voté pour un Code que vous avez toujours combattu. Pourquoi ?
Me Mountaga Tall : On ne peut pas présenter les choses ainsi. Vous savez la légalisation du mariage religieux, le droit d’option en matière successorale, la problématique de l’autorité parentale et de façon plus générale la prise en compte de nos valeurs sociétales et religieuses sont inscrites dans le projet de société du Cnid. Ces points, que j’ai déclinés dans ma profession de foi lors de l’élection présidentielle de 2002, relèvent donc de convictions fortes que je ne peux abandonner.
D’ailleurs, vous vous souviendrez qu’en 1994 déjà j’avais déposé une proposition de loi pour la légalisation du mariage religieux. Le CNID et moi-même restons très fortement attachés à ces valeurs. Pour en arriver à votre question, la vérité est que le vote sur ces points a eu lieu en Commission des Lois où j’ai été isolé. Mes amendements sur les points qui font polémique ont été rejetés après avoir été acceptés.
Donc, ma position et celle du Cnid n’ont absolument pas varié et nous n’avons pas voté pour le refus de légaliser le mariage religieux, pour le refus de prendre en compte le vécu pour les successions etc. Au contraire nous avons été mis en minorité sur toutes ces questions.
L’Indép. : Donc, vous auriez pu, au vu de votre position, engranger des dividendes politiques. Pourquoi ne l’avez vous pas fait ?
Me M.T : Je ne me lasserais jamais de répéter que pour nous, la question du Code des Personnes et de la Famille n’est pas une simple opportunité politique à saisir. J’ai longuement tiré la sonnette d’alarme avant son adoption. Juste après son adoption, mon souci était de faire en sorte que la tension qui était très fortement montée retombe. C’est aujourd’hui le cas en raison notamment du sens de la responsabilité dont ont su faire preuve les religieux qui se sentaient agressés, de la décision du Président de la République de renvoyer le texte en seconde lecture et de l’accueil que l’Assemblée Nationale a faite de cette décision.
A présent, il nous faut sortir de ce que j’ai appelé « notre paresse intellectuelle » en élaborant un texte compatible avec nos valeurs religieuses et sociétales et avec les principes républicains bien compris.
Pour notre part, nous avons des propositions prêtes depuis fort longtemps.
L’Indép. : Pourquoi vos amendements ont-ils été acceptés puis rejetés ? Est-ce un complot Adema — Urd ? 
Me M.T : Je ne saurai dire cela. Je pense que beaucoup n’avaient pas compris que le Code des Personnes et de la Famille qui réglemente le statut personnel est d’une extrême sensibilité sous tous les cieux. C’est un texte qui entre dans la chambre à coucher et dans la tombe de chacun. Dans une telle matière et dans une société plurielle comme la nôtre, la règle d’or qui doit prévaloir est celle de l’option. Et tout dogmatisme doit être rejeté. Et là, pour être précis, je pense qu’il faut éviter toute lecture dogmatique de la laïcité qui nous a conduits dans l’impasse où nous sommes. Au nom de cette laïcité, des propositions protectrices des droits humains et respectueuses de la Constitution et de nos engagements internationaux ont été rejetés. J’espère que nous arriverons à un bon consensus.
L’Indép. : Pourquoi le président de la république tient-il tant à ce Code ?
Me M.T : Je sais qu’il y a un besoin impérieux de légiférer dans ce domaine pour au moins trois raisons. La première est qu’actuellement nous avons des textes épars tels que le Code du mariage et de la tutelle, le Code de la nationalité ...qu’il convient de regrouper. Ensuite il convient d’adapter certains textes à l’évolution de notre société voire à celle du monde sans se renier. Et enfin, il y a un besoin réel de combler certaines lacunes législatives. En tant que Premier magistrat le président de la république ne peut être insensible à ces impératifs. Je ne pense pas qu’il ait d’autres motivations.
L’Indép. : Ne pouvait-on pas se passer de ce texte qui soulève des démons ?
Me M.T : De mon point de vue non ! Et si nous savons nous écouter les uns les autres et sortir des clichés et des préjugés, nous aurons un texte avec des avancées formidables dans de nombreux domaines. Nous devons avoir le courage de légiférer sur tous les sujets, même les plus difficiles. La politique de l’autruche, vous savez, ne mène nulle part.
L’Indép. : Certains disent que ce sont les partenaires au développement qui font pression. Or l’Union Européenne dément. 
Me M.T : Je considère à priori que nous sommes un pays souverain et indépendant et que, par conséquent, aucun partenaire ne peut se substituer à nous. D’ailleurs et à ce que je sache, ils n’en ont pas la volonté. Il s’agit entre eux et nous de coopérer de façon mutuellement avantageuse et dans le respect de l’autre. Je pense au surplus qu’il est tout à fait possible de démontrer qu’il peut y avoir un point de convergence entre certaines de nos valeurs sociétales et religieuses et les préoccupations de nos partenaires sur certains points. Il suffit d’ouvrir le débat.
L’Indépendant : Êtes vous optimiste quant à l’aboutissement de votre combat après la relecture du Code ?
Me M.T : Je reste convaincu qu’après des débats sereins, ce combat sera celui de toutes les personnes éprises de justice et soucieuses de protéger le plus faible dans le foyer. En effet et pour ne prendre que cet exemple, comment espérer faire reconnaître le droit à l’héritage d’une femme mariée sous l’empire de la religion si le mariage religieux n’a pas de valeur juridique ? Je souhaite simplement que nous aboutissions à un Code pour tous et accepté par tous. Et dont l’adoption sera une fête pour tous.
L’Indép. : Craignez-vous l’instauration d’une république islamique au Mali suite aux évènements que nous avons connus ?
Me M.T : Il y a là un épouvantail qu’agitent ceux qui sont à court d’arguments.
L’Indép. : Que pensez-vous des déclarations du président de l’Assemblée nationale selon lesquelles son Institution serait en phase avec le président de la république sur le principe d’une seconde lecture de la Loi portant CPF ?
Me M.T : Je dirais que je suis moi-même en phase avec cette déclaration dans la mesure où elle correspond exactement au sentiment personnel que j’avais exprimé au cours de ma conférence de presse du mois passé sur ce sujet. Sans faire comme Dupond et Dupont je dirais même plus : tout cela est en phase avec ce que veulent les Maliens et c’est cela l’important.
Mamadou Lamine DOUMBIA
L’Indépendant du 19 Octobre 2009.

L’Indépendant du 19 Octobre 2009.


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