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Guinée-Mali : ATT, geste de solidarité exemplaire, il faut le dire
Source : Autres : Dernière Mise à jour : 21/07/2010 (Auteur : .)
Il ne faut pas seulement le dire. Il faut aussi et surtout l’écrire. Car, apprécier un grand geste par sa juste valeur et le relater impartialement, est un devoir de tout communicateur porteur d’un rôle d’informateur et de sensibilisateur des lecteurs. Notre journal Option n’optera jamais pour des écritures orageuses ou élogieuses mais plutôt celles consciencieuses et audacieuses. Ainsi des comportements de solidarité active et significative méritent d’être longtemps gravés dans la mémoire collective des peuples. Surtout dans ce monde moderne où des actions de grande utilité sociale ne se produisent pas souvent.
Aujourd’hui, il suffit de jeter un regard furtif dans la grande cour de la politique mondiale pour voir que l’Afrique est le foyer le plus brulant de conflits destructeurs. Des foyers de tensions politiques à connotation raciale ou ethnique sont enflammés par-ci et par-là par des assoiffés et insatiables du pouvoir étatique. Ces conflits meurtriers ne sont jamais spontanés. Ils sont toujours longuement prémédités et soigneusement préparés par des seigneurs de guerres. Le seul exemple, parmi tant d’autres, du génocide au Rwanda est assez évocateur de la barbarie humaine, je voulais dire africaine. Les signes prémonitoires de ce drame humain étaient visibles et palpables non seulement par les pays voisins du Rwanda mais aussi par des grands pays de la Communauté internationale. Empêcher ce drame était à leur portée. Mais, les dirigeants de ces pays ont plutôt préféré contempler l’écoulement de grands flots de sangs rwandais pour ensuite verser des larmes de crocodiles et chercher à sanctionner les meurtriers. Quelle honte pour les rwandais, les africains et l’humanité toute entière dans un monde que beaucoup croient en constante évolution et démocratisation. Combien de luttes démocratiques demeurent démoniaques en Afrique?
Comme il n’est pas facile de le quantifier, le plus récent cas est celui de la République de Guinée Conakry. Celle-ci qui a organisé le 27 juin dernier sa toute première élection présidentielle libre et pluraliste (avec 24 candidats en lice) s’est glissée dans une profonde crise suite à la proclamation des résultats trop contestés. L’un des candidats malheureux, Sidya Touré, ayant terminé troisième, donc éliminé pour le deuxième tour, a laissé descendre ces partisans dans la rue pour proférer des menaces et injures aux hauts dirigeants du pays dont l’actuel président de la République, le général Sékouba Konaté. Ce dernier a failli aggraver l’enfoncement de la Guinée dans une crise sans précédent en brandissant son intention de démissionner. Des responsables des institutions de la République, de la Société civile et dirigeants religieux se sont mobilisés pour demander au général Konaté de ne pas traduire son intention en action à une phase de crise aussi cruciale.
C’est pendant le tournoiement d’une tempête politico-sociale entre les protagonistes politiques guinéens que le général président malien, Amadou Toumani Touré, a effectué une visite d’une dizaine d’heures, le jeudi 8 juillet dernier, à Conakry la capitale guinéenne pour trouver une solution durable à cette crise électorale. La situation en Guinée était-elle aussi inquiétante pour nécessiter le voyage précipité du président malien alors qu’aucun coup de fusil ou de canon n’a détonné? Non seulement les meilleurs médiations se font toujours en face à face autour d’une table de discussion mais aussi il est plus facile de ramener et de consolider la paix avant les déclenchements des coups de poing, de pieds ou de pilon dont les traces morales sont difficilement cicatrisables. Sinon, le président malien aurait pu continuer sur la lancée des échanges téléphoniques commencés le jeudi 6 juillet. À cette date, ATT s’apprêtait à offrir un dîner officiel au président iranien en visite au Mali quand le général Sékouba Konaté lui a annoncé par téléphone son intention de démissionner de la présidence de la Guinée. Selon des sources concordantes, en langage militaire direct et sec, ATT lui a répondu « Tu ne peux pas» avant de préciser « Dès après le départ de mon hôte, je te contacte »
Au lieu de continuer les discussions téléphoniques ou d’envoyer un émissaire, le général ATT, motivé par son talent de médiateur expérimenté et son élan d’humaniste tropicalisé a préféré palabré à Conakry avec d’abord le général Sékouba Konaté en ces termes «Tu dois rester. Une bonne sortie, c’est lorsque la transition tue elle-même la transition», a-t-il martelé.
Il a aussi laissé entendre, devant les candidats à l’élection présidentielle qui ont répondu à son invitation, sa vision du problème « Une période d’élection est toujours une période de trouble, je dirai même une période d’excès. Il est normal qu’il y ait des états d'âme, mais ce qui ne serait pas normal, c’est de remettre en cause le processus, il faut faire fi des intérêts personnels, c’est la Guinée qui compte»
Le président ATT a rencontré les autorités guinéennes impliquées dans la gestion de la transition avant de résumé, devant la presse, son séjour guinéen par ces propos pleins de sagesse et d’adresse dont les points saillants relevés doivent être précieusement conservés pour la postérité :
« Je n’ai pas besoin d’être invité en Guinée. Sékouba Konaté non plus n’a pas besoin que je l’invite à Bamako. Bamako c’est chez lui, et je suis son logeur. Je prendrais mon avion chaque fois que l’occasion m’est donnée, pour venir à Conakry. Pas seulement s’il y a problème, mais chaque fois que l’occasion me sera donné… Avant même de venir à Conakry, j’ai pu me permettre de téléphoner à certains chefs d’état, aussi bien africains, qu’extra africains, pour leur dire, soutenez la Guinée. C’est indispensable», telle est une attitude de bon voisinage culturellement alimentée par nos bonnes mentalités africaines dont il a fait preuve avant de commenter certaines de ses rencontres guinéennes :
« J’ai rencontré également les membres du CNT, la délégation était conduite par une grande femme, je dirai même une grande dame, qui m’a aussi prodigué des conseils, qui m’a expliqué sa lecture de la situation, mais en qui j’ai trouvé non seulement l’amour maternel qu’elle a pour la Guinée, mais aussi le respect et l’estime qu’elle a fait montre pour le général Sékouba Konaté. (NDLR : il s’agit de Rabiatou Séra Diallo). J’ai rencontré également le Premier ministre, (NDLR : Jean Marie Doré) ensemble nous avons fait des échanges fructueux. Il m’a donné des conseils et il m’a confié sa lecture des événements », a souligné ATT en abordant le cas des principaux acteurs au centre de la crise que sont les chefs des partis politiques :
« Mais je pense que le clou des rencontres, après également le Président de la République, c’est celle que j’ai eu avec les partis politiques. D’abord nous avons vidé la salle et j’ai dit que nous allons parler en famille, autour d’une même table, sans tabou. Je suis Guinéen, je le revendique et ce n’est pas politique. Nous avons causé, ils m’on dit leur lecture. Mais il y a deux ou trois enseignements que j’en ai tirés, qui m’ont réconforté. La première c’est la franchise avec laquelle nous avons eu à échanger. Ils ont parlé sans complaisance. Le second point, c’est leur volonté de suivre et d’aider à respecter la loi. Ils ont fait un appel dans ce sens. Le troisième, c’est un des candidats, le doyen, (NDLR : c’est Alpha Condé candidat du RPG) qui me disait : "Monsieur le Président, nous avons vraiment compris. Nous vous demandons et souhaitons que vous rentriez à Bamako en très bonne santé. Mais nous allons vous dire que nous ferons tout, ensemble, pour aider et soutenir le processus démocratique, et nous ferons en sorte qu’un jour vous reveniez, pour saluer et nous féliciter". Je pense que, certainement, c’est la meilleure conclusion que j’ai trouvée», a-t-il fait ainsi remarquer sa satisfaction avant d’expliquer son expérience militaire de la situation politique au peuple guinéen :
« J’ai trouvé une classe politique responsable, certes, mais j’insisterai surtout sur un fait, auprès du peuple de Guinée: je suis passé sur les voies de mon cadet, qui est aujourd’hui sur mes pas, soldat comme lui, parachutiste, de surcroit commando. Nous ne connaissons pas les labyrinthes d’une certaine politique, qui ne dit pas son nom. Nous avons pris l’habitude d’aller droit à nos objectifs, tout en donnant les moyens d’y parvenir. Un chef, une mission et des moyens. Je suis aujourd’hui, dans cette salle, le mieux placé à comprendre ce que mon cadet vit, parce que je suis passé par le même chemin que lui, sinon plus, pendant la transition démocratique au Mali. Vous savez qu’un jour j’étais tellement contrarié, je me suis rendu à la Bourse du travail du Mali, avec une délégation commando, qui assurait ma sécurité. Je n’ai pas réussi à sortir de la Bourse du travail. Des jeunes venaient de partout, nous avons été totalement bloqués. J’ai vu des gens enlever les bérets de mes commandos et les écraser.
Nous avons tout entendu, tout a été dit. J’ai passé une nuit blanche, je n’ai pas dormi. En ce moment, je me suis dis, au fond, si c’est pour partir, il faut décider de partir. Si c’est pour donner le pouvoir, je vais donner le pouvoir. Si c’est pour organiser les élections, je répète, j’organise et je m’en vais parce que, votre objectif, ce n’est pas le mien. Je ne suis pas préparé pour garder le pouvoir.
Aujourd’hui, la Guinée a un homme de bonne volonté, qui dit la même chose, qui le réaffirme à chaque fois que l’occasion lui est donnée. C’est pourquoi, le lendemain, j’ai convoqué l’ensemble de la classe politique malienne à l’Assemblée nationale. Je leur ai dit, en tout cas, vous n’allez pas me jouer le tour de l’autre. Vous n’allez pas amener des parachutistes révoltés pour tirer sur les enfants, à créer un événement et vous allez profiter de cet événement pour vous attaquer à ma propre personne et aux forces armées et de sécurité. Au fond, qu’est-ce que vous voulez ? Si c’est le pouvoir là, je vous dis que moi ça ne m’intéresse pas. Sékouba l’a dit et répété à satiété. J’ai fini même par le dire, Sékou, maintenant, tu peux te taire, tout le monde a compris. Parce que je ne doute pas de ta bonne volonté, et je sais que c’est une parole d’officier que tu as donnée. Toi et l’armée guinéenne, qui est mon armée, vous allez tenir avec l’ensemble des forces de sécurité.
En son temps, je disais, maintenant, si vous voulez autre chose, je me lève, je retourne dans mon régiment de parachutistes, je vous donne votre affaire et vous en faites ce que vous voulez. Parce que je ne peux pas comprendre qu’on m’insulte, qu’on doute de moi. Je peux comprendre qu’on s’exprime, mais qu’on m’insulte, qu’on s’attaque à ce que j’ai de plus cher au monde, non! Qu’on m’agresse moi-même, je peux supporter, mais qu’on insulte ma famille, mon père, ma mère, mes amis, mes frères, je dis là ce n’est plus de la politique, c’est un comportement inadmissible. Attaquez-vous à moi, politiquement et militairement, je saurai vous donner les réponses appropriées. Ce jour, j’avoue que je n’avais aucune envie de rester deux minutes dans cette histoire. Mais, dans ma tête, avant d’y arriver, j’avoue que je serais parti leur dire que cette affaire ne m’intéresse pas. Mais je me suis rendu compte, qu’au fond, il y a deux choses: d’abord je ne veux pas faire le jeu de certains. Ce n’est pas parce qu’ils sont pressés, qu’il faut que je leur donne ma place. Il faudrait qu’on continue le processus. Et j’ai pris un engagement devant le peuple malien, comme Sékou l’a fait, devant le peuple guinéen, de conduire les forces armées de sécurité et l’armée vers la réussite de la transition.
Qu’est ce que c’est que réussir la transition ? Réussir la transition, c’est tuer la transition elle-même. C’est de m’effacer, c’est de finir la transition pour qu’un ordre nouveau s’installe et qu’un Président de la République, accepté choisi par les guinéens, puisse être investi. A partir de ce jour, je considère qu’une large partie de ma mission est terminée. Je sais ce que Sékou souhaite et je sais aussi ce pour lequel il s’est engagé. Alors, j’ai décidé de rester, je ne ferai pas plaisir à ceux qui veulent que je parte, parce qu’au fond, si j’étais parti, on allait donner le pouvoir à qui ? Un militaire quitte, c’est un autre militaire qui va venir, peut être moi je vais partir, mais celui qui me remplace ne voudrait pas.
Alors ou est-ce que nous en serons, au moins moi il faut me laisser partir. Maintenant, celui qui va venir, personne ne sait ce qu’il a dans sa tête. S’il vient et refuse de partir comment allez-vous faire ? Voilà un général, un officier de valeur, en tout cas de valeur militaire, que j’ai suivi, écouté et entendu, qui donne sa parole et qui est même pressé de partir. Croyez-le, comme certains n’ont pas voulu croire en moi, hier. D’autres ne font que créer des problèmes, cela est inadmissible», a largement détaillé le général président malien pour convaincre les guinéens que son cadet général président Sékouba Konaté ne confisquera jamais le pouvoir tout en lançant un appel aux acteurs sociopolitiques de la Guinée pour leur collaboration effective et indispensable à la totale réussite de cette phase transitoire particulièrement compliquée en ces termes :
« Ces élections, il faut qu’on en parle. 24 candidats ne vont pas gagner. Les élections seront gagnées par un, parce qu’il y a un seul fauteuil. Cependant, il y a une chose que je dis à mes frères de Guinée: qu’aucun homme seul, aucun parti seul, aucun groupe de partis seul, ne peut demain gérer la Guinée. Il faut la conjugaison de toutes les énergies, il faut la synergie de toutes les compétences, aussi bien au niveau politique qu’administratif et partout, pour que nous poussions sortir la Guinée de la situation actuelle.
Quelqu’un me disait, il n y a pas longtemps, que développer le Mali est une performance, c’est un compliment. Mais il dit le faire en Guinée, c’est tout à fait ordinaire. Voilà un pays auquel nous sommes fiers, par les moyens que vous avez, parce que ce qui vous appartient, en Guinée, c’est pour nous aussi. C’est ce même fleuve Niger qui prend sa source ici, qui passe devant la porte de mon village. C’est au bord de ce fleuve que je suis né. On ne peut compter les relations entre un Touré et un Konaté, un Touré et un Keïta, un Touré et un Coulibaly. Mais, qui va faire la différence entre le général Sékouba Konaté et le Lieutenant colonel Mamadou Konaté qui se trouve à Kati là-bas au Mali? Personne! C’est pour vous dire que je suis satisfait, je suis satisfait, mais je reviendrai, chaque fois que l’occasion me sera donnée. Je reviendrai, également, pour suivre et accompagner mon cadet, accompagner l’armée guinéenne et accompagner le peuple de Guinée. Je disais, à qui veut l’entendre, tout ce qui touche la Guinée, touchera forcément le Mali. Ce n’est pas politique, je suis un soldat et chez nous la méthode de raisonnement tactique est claire et nette. Le hasard est minimisé, et nous avons une chance et malheureusement une mauvaise chance, c’est de dire exactement ce qu’on pense. Parfois, ça ne plait pas aux politiciens. Et bien, c’est comme ça. Et peut-être, moi-même, je suis déjà devenu un politicien », a-t-il rappelé les relations séculaires fraternelles, amicales et culturelles entre les deux pays qui doivent être constamment développées tout comme son aîné président Ahmed Sékou Touré les a, en son temps, ainsi formulé « La guinée et le Mali sont les deux poumons d’un même corps» .
Spontanément, le président ATT a pris des méthodes pragmatiques de prévention et de résolution de conflit dans le voisinage immédiat. Ce qu’on peut qualifier d’ingérence positive et utile dont les dirigeants africains doivent s’inspirer pour mieux les adopter et les adapter aux réalités locales afin de palier a tout déchirement des tissus sociaux et écoulement de sangs africains.
Si des présidents des pays limitrophes du Nigéria, du Rwanda, du Libéria et de la Côte d’Ivoire s’étaient impliqués dans des médiations de prévention de guerres civiles, beaucoup de drames humains auraient été évités dans ces pays cités.
Selon les informations obtenues de diverses sources en Guinée ce geste de solidarité africaine du Président ATT a été hautement apprécié même par des couches sociales non politisées.
Lacine Diawara
Pour www.nlsguinee.com

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