Les
cinq chefs d’État du panel constitué par l’Union africaine (UA)
plancheront ce week-end à Nouakchott en Mauritanie sur le dossier de la
crise ivoirienne. Ils se rendront ensuite lundi à Abidjan pour discuter
avec Alassane Dramane Ouattara (ADO), le président élu, et Laurent
Koudou Gbagbo, le président sortant. Ces mini-sommets de la dernière
chance se tiennent toutefois dans un contexte de sérieux affaiblissement
du camp Gbagbo. En effet, à tour de rôle, les banques internationales
ferment leurs portes.
La clientèle apeurée se rue vers celles qui sont encore
ouvertes pour puiser dans ses comptes. Gbagbo a beau soutenir qu’il ne
laissera pas le système banquier s’écrouler, on semble de moins en moins
lui faire confiance.
A Abidjan, quel que soit leur bord politique, les
clients des banques internationales espèrent bien que la situation se
normalisera au plus vite. Ils espèrent que leurs économies ne seront pas
les victimes collatérales du combat des chefs. En attendant, cette
fermeture progressive des établissements bancaires pénalise les hommes
d’affaires déjà confrontés à l’effondrement de leur chiffre d’affaires.
Le président autoproclamé n’ignore point que même s’il envisage, comme
le disent certaines langues, de battre sa propre monnaie, elle pourrait
bien se heurter à plus fort que lui : le système financier international
ne coopère pas avec n’importe quel quidam.
Il ne sert à rien de bander ses muscles et de crier
"haro sur le baudet !" sur les antennes nationales aux ordres. Les
ressources à elles seules ne suffisent pas. Or, Gbagbo et les siens
traînent depuis longtemps déjà des tares qui auront bien du mal à
dissuader la communauté financière internationale de céder. Et les
Ivoiriens l’ont compris. Ils vident les coffres, préférant de ce fait
courir bien d’autres risques. Par ailleurs, fidèlement attaché à la
diversion, le président "sorti" a déposé lundi dernier une plainte
auprès de la Cour de justice de la CEDEAO. Ses avocats lui demandent
d’annuler les déclarations de la Communauté économique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) proclamant Alassane Ouattara vainqueur de
la présidentielle de novembre 2010. Gbagbo sait bien qu’il a peu de
chances d’avoir raison sur le dossier.
Surtout que chaque jour, la stratégie du boa -
l’étouffement - fait son effet. De plus, la communauté internationale
durcit le ton.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé de
prolonger de trois mois la présence des 500 hommes de la force de l’ONU
au Liberia, envoyés en renfort en Côte d’Ivoire. Les soldats de la MINUL
reçoivent en outre l’appui de trois hélicoptères de combat. Ainsi, non
seulement le mandat de l’ONUCI a été prolongé mais les soldats de la
communauté internationale seront mieux armés pour faire face aux
provocations et aux agressions du camp Gbagbo. De leur côté, les Forces
nouvelles, elles aussi, se remobilisent et entendent également faire
pression sur les frères ennemis.
Le panel des chefs d’Etat constitue donc le dernier
recours pacifique même si à Abidjan, très rares sont ceux qui croient
encore à une solution diplomatique pour dénouer la crise, tant les
positions des deux camps sont toujours totalement antagonistes. Les
chefs d’Etat sauront-ils trouver le consensus salvateur ? On sait que le
panel se compose aussi de deux pays phares, le Burkina Faso et
l’Afrique du Sud, qui pourraient jouer les premiers rôles, la position
de l’un étant différente de celle de l’autre.
Or, le temps urge. Car, sur place, le manque d’argent
rend la vie de plus en plus précaire, contribuant ainsi à faire monter
la tension. Un cocktail explosif en place, qui doit inciter le panel à
prendre des décisions fermes et surtout "contraignantes" pour les deux
parties, comme le veut l’UA.
Après sa rencontre de Nouakchott, le panel se rendra aux
bords de la lagune Ebrié pour les négociations de la dernière chance.
Décriée par des partisans du camp Gbagbo, la présence du chef de l’Etat
burkinabè est pourtant indispensable pour dénouer la crise. Il a en
effet l’avantage de connaître bien et le dossier et les acteurs
politiques ivoiriens. Outre le fait d’avoir été médiateur jusqu’aux
élections perdues par Gbagbo, Blaise Compaoré est celui-là même qui
avait couvert et donné gîte à son "frère et ami" d’hier, du temps où il
cherchait désespérément à se mettre à l’abri.
Chercherait-on de manière détournée - mobiliser des
partisans gonflés à bloc pour ensuite faire croire qu’on les maîtrise
pour la cause- à payer cette "dette" ? Quoi qu’il en soit, le panel
devra se garder d’être ridicule. Il doit déboucher sur des décisions qui
font honneur au continent. En cela, il faut faire attention à ne pas
hypothéquer la victoire d’Alassane Dramane Ouattara.
Mais Laurent Koudou Gbagbo acceptera-t-il vraiment de se
plier aux décisions du panel ? Il vaudra bien mieux pour lui. Car, il
n’est jamais tard pour bien faire. En se pliant aux décisions que
prendra le panel, Gbagbo aura fait l’essentiel. Il permettra au moins
d’abréger les souffrances du peuple ivoirien qu’il semble avoir cherché à
punir après sa défaite aux élections désormais historiques de novembre
2010.
Autant tout échec est interdit au panel, autant Laurent
Koudou Gbagbo devra arrêter de tergiverser. L’heure n’est plus aux
jérémiades et il ne sert à rien de travailler à exacerber les
contradictions entre la CEDEAO et l’UA. Il faut mettre fin aux reports
incessants qui ne font que radicaliser les positions sans que le peuple
ivoirien et les autres peuples africains n’y gagnent. Le temps est venu
de sauver le peu d’honneur qui reste encore à tous ces acteurs
politiques ivoiriens qui n’auront finalement jamais fait la fierté de ce
continent.
"Le Pays"
18 Février 2011.