Moussa Mara, candidat à l’élection présidentielle : « Ce que j’entends m’incite à l’optimisme »
Le
maire de la commune IV du district de Bamako, Moussa Mara, a été
investi candidat à l’élection présidentielle de 2012. Son parti YELEMA
(changement en Bambara) pourra-t-il brillé face à ses adversaires qui
ont une longueur d’avance en termes d’implantation et de crédibilité au
sein du tissu social malien. Dans une interview, le maire-candidat nous
indique le centre d’intérêt de sa gouvernance politique.
Vous êtes maire de la commune IV du
district de Bamako depuis un an. Pouvez-vous nous faire l’état de
l’évolution de la gouvernance au sein de la municipalité avec l’entrée
en fonction de votre équipe ?
La Gouvernance est notre priorité majeure car elle
induit une confiance indispensable à la conduite de toute politique de
développement locale. Elle doit être transparente, participative et
responsable. Dans le cadre de la transparence, nous avons instauré
partout des commissions, comités et autres instances qui associent les
populations à tous les choix politiques de la mairie notamment les
passations de marchés ou les délégations de gestion des marchés de la
commune.
Dans le domaine de la participation, la population est
associée à toutes les initiatives du conseil municipal. Elle est partie
prenante de notre stratégie de collecte des ressources. A travers les
organisations socioprofessionnelles, elle participe aux activités des
commissions municipales. Nous estimons que la cogestion avec la société
civile est salvatrice pour une collectivité. Dans le domaine de la
responsabilité, nous avons élaboré un guide de l’usager qui définit,
pour chaque service rendu par la mairie, le coût et la durée de
réalisation. Cela pour que chacun sache le temps et l’argent qu’il
dépensera quand il viendra solliciter nos services. Cette méthode réduit
la corruption, les lenteurs et autres trafics d’influence. Nous avons
imposé le respect des heures de travail pour que chaque citoyen qui aura
besoin de nous vienne nous trouver au poste dès 8 Heures du matin. La
municipalité est au service du citoyen avec la vocation de le servir.
Les recettes de la commune IV
suffisent-elles pour amorcer un développement économique et social
durable au sein de la municipalité ?
Comme ailleurs, les recettes de la commune IV ne
suffisent pas intrinsèquement pour amorcer le développement que nous
attendons. C’est le cas des autres communes et sans doute le cas pour
l’Etat malien. Nous sommes un pays pauvre. Il faut se battre
collectivement pour sortir de cette situation. La commune IV a un plan
de développement étalé sur dix ans avec un coût de 90 Milliards de FCFA.
Ses recettes propres font aujourd’hui moins d’un milliard de FCFA. De
ce fait, il nous faudra 90 ans pour réaliser ce qui est prévu en dix
ans ! C’est impensable !
Nous nous battons pour que l’Etat fasse plus d’effort en
matière de transfert de ressources d’une part et d’autre part nous
agissons pour améliorer de manière significative nos ressources propres.
Notre commune a un potentiel d’au moins 2 milliards de FCFA de
ressources propres par an. Ce potentiel sera sans doute de 5 milliards
si on mettait en œuvre une reforme fiscale locale avec l’instauration
d’une taxe foncière conséquente. Avec 5 milliards, on aurait plus de
marge de manœuvre qu’avec 1 milliard.
Votre leadership a été affirmé aux
législatives de 2007 alors que vous étiez un candidat indépendant.
Quelles sont alors les motivations réelles de la création du parti
YELEMA ?
Dans la vie, les grandes aventures se mènent en groupe,
au sein d’organisation structurée vers un objectif commun. Notre
démarche de non partisan avait une limite. Quand il s’est agi, suite aux
nombreuses sollicitations dont nous avons été l’objet pour répandre nos
idées et faire en sorte qu’elles soient connues ailleurs qu’en commune
IV, nous avons décidé de franchir le pas de la création d’une
organisation politique structurée autour de nos principes, nos valeurs
et projets qui porteront le changement le plus loin possible au Mali.
Quel jugement faites-vous de la situation économique et sociale actuelle du pays ?
Je l’ai toujours dit ; le Mali se trouve dans la
situation d’un élève qui avance mais pas suffisamment vite pour
rattraper son retard sur les meilleurs. On peut mieux faire. C’est ce
que nous entendons démontrer justement pendant les prochaines campagnes
électorales. Dans certains domaines comme l’équipement et le climat
social, des efforts importants ont été faits. Dans d’autres, il y a
encore des choses significatives à entreprendre. C’est le cas du
développement humain de manière générale : culture, santé, éducation,
formation professionnelle, emploi des jeunes, relations sociales et la
place de nos valeurs traditionnelles et religieuses, l’Etat et
l’administration, le soutien aux créateurs de richesse...
Qu’est ce qui vous préoccupe le plus aujourd’hui ?
Aujourd’hui deux choses me préoccupent beaucoup : le
rapport du malien avec son pays et notre continent face aux enjeux
géostratégiques. Rien que d’y penser, je suis inquiet. Il faut urgemment
des solutions pour sortir notre pays et notre continent de l’ornière.
Faire en sorte que le malien et l’africain ne soient plus les premiers
fossoyeurs du pays et du continent. Il faut que nous placions l’homme au
centre de nos actions, que le continent se réveille pour parler d’une
seule voix.
L’homme malien doit retrouver sa place de citoyen
conscient de ses devoirs pour mieux revendiquer ses droits. Le Mali doit
être, de nouveau, à l’avant garde de la promotion de l’unité africaine
et des valeurs qui permettront à notre continent de maitriser les défis
du développement.
Vous avez été investi candidat à l’élection présidentielle de 2012. Quel projet de société proposerez-vous aux maliens ?
Notre projet de société est monté autour de valeurs
comme le leadership des jeunes, la vérité et la transparence, la
méritocratie et l’égalité des maliens, la responsabilisation des
communautés à la base, l’équilibre du pays au bénéfice de l’ensemble de
ses régions. Il y a également la primauté absolue de l’intérêt public
sur les intérêts privés. Nous entendons inscrire notre projet dans une
démarche de construction collective impliquant tous les maliens autour
de cinq axes majeurs :
1- Le renforcement de
l’Etat afin de le rendre plus efficace, plus visible, mieux respecté,
plus juste et équitable exerçant ses attributions souveraines de manière
effective sur l’ensemble du territoire nationale.
2- L’instauration d’un
malien de type nouveau, soigné et éduqué mais aussi instruit et formé
pour jouer pleinement un rôle positif pour le pays.
3- Le renforcement de nos valeurs traditionnelles, culturelles et religieuses tout en étant ouvert sur le monde.
4- La mise en place des
conditions de création de richesse suffisante et la répartition
équitable de cette richesse entre les citoyens, les zones rurales et les
opérateurs économiques nationaux
5- Enfin l’intégration
régionale et l’unité africaine sont des objectifs ultimes qu’il faut
rechercher par des initiatives originales. Il faut une plus grande
intégration avec les voisins, la généralisation du concept de pays
frontières, une mutualisation de certaines grandes fonctions
(diplomatie, défense et sécurité, filières économiques...) à l’échelle
d’une région ou du continent.
La jeunesse de votre parti
n’est-elle pas un handicap pour l’occupation du terrain face à des
partis qui sont sérieusement implantés depuis des années ?
L’élection présidentielle nécessite des moyens et une
couverture du vaste territoire nationale certes. Mais elle est d’abord
et avant tout une équation personnelle : celui qui aspire à diriger le
pays. La capacité de communication et de conviction du candidat autour
de ses idées est une donne importante dans une élection. Les maliens ont
soif de changement et je figure parmi ceux qui portent le mieux ce
changement. J’ai eu la chance de prouver par mes idées, dans mes écrits,
par ma trajectoire, mon profil et mes expériences et par l’expérience
de la commune IV.
Je reflète la majorité des électeurs qui sont jeunes. Je
suis neuf et donc en mesure d’assurer et de maintenir l’impartialité de
l’Etat vis à vis des citoyens. Ce qui est une condition majeure pour un
progrès socioéconomique durable du pays. J’estime donc que le handicap
supposé n’en est pas un, cela d’autant plus que nous allons couvrir le
pays par notre présence effective et par le message à porter aux maliens
grâce à nos relais, nos réseaux et aux outils modernes de
communication. Aucun malien, qu’il soit à l’intérieur du pays ou à
l’extérieur, ne méconnaitra ce que nous sommes et ce que nous proposons
d’ici cinq mois inch’allah.
Notre parti est aujourd’hui présent dans chacun des 49
cercles du pays, chacune des six communes de Bamako et dans une
vingtaine de pays à l’extérieur jusqu’en Australie où vit une dizaine de
maliens. YELEMA sera ensuite appuyé dans la campagne par une
convergence de forces de la société civile décidées à participer au
débat public qui s’annonce et surtout faire émerger l’idée de renouveau
que nous véhiculons. Nous sommes prêts et nous serons inch’allah au
rendez vous.
Alors quelles sont vos chances de pouvoir remporter le scrutin présidentiel de 2012 ?
Nos chances sont réelles. Il n’est pas possible de
donner un chiffre en l’absence de sondages et autres mesures d’opinions.
De mars à septembre 2011, j’ai parcouru 41 des 49 cercles du pays, de
nombreuses communes et des centaines de villages. Je suis allé en Europe
et en Amérique et je parcours le continent depuis de nombreuses années.
Ce que j’ai vu et ce que j’entends m’incite à l’optimisme. On fera les
points appropriés après le premier tour.
Vous avez été membre d’une alliance
politique, en l’occurrence les PUR. Pourquoi avez-vous quitté cette
alliance dont vous aviez tant commentée la solidité ?
Nous avons eu des divergences que chacun espère
passagère sur la marche de l’organisation en rapport avec le choix du
candidat. Ces divergences sont derrière nous. Chacun ira aux élections
pour se battre et défendre ses idées. Je souhaite simplement qu’après
les prochaines élections, des occasions puissent être créées pour qu’on
se retrouve et surtout qu’on poursuivre la nécessaire union des forces
politiques pour approfondir la démocratie malienne. J’estime que nous
devons regarder de l’avant en ce qui concerne les divergences avec les
PUR et travailler à des retrouvailles sereines et productives pour le
futur. Il n’est pas productif de s’appesantir sur cet épisode malheureux
de nos parcours politiques.
Les leaders de l’alliance n’ont-ils pas privilégié leurs ambitions personnelles ?
Ce qui s’est passé n’honore aucun d’entre nous. Soyez
sûr que nous le regrettons fortement mais le plus important est devant.
Nous devons nous employer à construire, apprendre de nos échecs du passé
pour aller de l’avant ; ce que chaque leader concerné est en train de
faire.
En quoi vos options politiques permettront d’améliorer les conditions de vie de vos compatriotes ?
Les marges de manœuvre du pays et du futur président de
la République ne sont pas importantes en matière de politique de
développement. Notre pays dispose déjà d’un cadre stratégique de
développement dont la troisième version est en cours de finalisation.
Cette stratégie encadre l’essentiel de nos politiques publiques. Ce
cadre global contient des composantes sectorielles qui induisent
l’essentiel de nos programmes. Par exemple, dans le domaine des
infrastructures, nous savons à peu près de quoi nous avons besoin
pendant les cinq prochaines années.
Il en est de même pour la santé ou encore le
développement rural. C’est sur cette base que les partenaires au
développement qui soutiennent nos politiques publiques interviennent de
manière coordonnée au financement du budget national à presque 45% (ou
80% si on ne retient que les investissements). Il est illusoire de
penser qu’on peut revenir sur ces programmes et projets dont la plupart
correspondent d’ailleurs à des besoins réels. En matière de politique de
développement de manière générale, nous emboîterons le pas des
autorités actuelles avec des nuances que nous allons décrire et
expliquer pendant la campagne.
Ce dont nous avons réellement besoin au Mali, c’est un
Etat et particulièrement une administration de développement pour
accélérer la mise en œuvre des projets et programmes, mieux absorber le
volume de l’aide et organiser les circuits pour que l’essentiel des
soutiens extérieurs arrivent vite aux bénéficiaires. Nous allons nous
mettre au service des usagers (les démunis mais aussi ceux qui créent de
la richesse).
Nous avons besoin d’une administration et d’un Etat qui
intègrent pleinement la notion de résultat, de reddition de compte,
d’efficacité et de responsabilité. Chacun doit apprendre à mériter son
poste, à servir la nation, à satisfaire les usagers. Et il doit être mis
dans les conditions pour le faire. C’est ce que j’explique longuement
dans mon livre sur l’Etat. Et c’est ce que je détaille de manière
précise dans le tome II du même livre qui paraîtra inch’allah d’ici la
fin de l’année.
Qu’envisagez-vous mettre en œuvre
pour faire face aux problèmes de l’éducation et de la sécurité qui
commencent à prendre des proportions inquiétantes ?
L’éducation et la sécurité constituent aujourd’hui les
préoccupations majeures des maliens notamment ceux vivant dans les zones
urbaines. En ce qui concerne l’éducation, en 2008, nous avons organisé
un forum national. Ce forum a débouché sur près de 500 recommandations
relatives à tous les ordres d’enseignement, à la gouvernance du secteur
ou encore aux valeurs à promouvoir. Nous centrerons nos solutions autour
de la mise en œuvre des recommandations du forum dont une bonne partie
reste en souffrance malheureusement. Il s’agit surtout de mieux traduire
ces recommandations en actions et projets avec les coûts et le
chronogramme de mise en œuvre. Il est nécessaire de tenir compte de la
situation actuelle et des projections réalistes en termes d’effectifs à
gérer.
Nous tiendrons compte de certains choix qui nous sont
propres (mieux approcher l’éducation du marché de l’emploi, mieux
intégrer nos valeurs culturelles et traditionnelles dans le dispositif
de l’éducation, prioriser les sciences et les techniques, prendre en
compte les spécificités des régions dans l’enseignement technique…) pour
poser les jalons d’une politique d’éducation destinée à refondre le
système sur une génération. Il va nous falloir une année pour mettre
cette politique en place. Nous comptons soumettre ladite politique à un
référendum. L’éducation a surpassé le cadre d’une préoccupation
sectorielle pour devenir une cause nationale. L’ensemble des acteurs
sera associé et chacun aura des responsabilités à assumer pour que nous
sortions définitivement de l’ornière.
Concernant la sécurité, il faut distinguer les
préoccupations sécuritaires dans les villes dues au phénomène de
banditisme soutenu par une urbanisation non maîtrisée des problèmes
sécuritaires au nord du pays ou encore à nos frontières. A chaque
situation, il est urgent d’apporter les réponses appropriées. Il est
souhaitable de privilégier la prévention. Il s’agira de créer une sorte
de police de proximité chargée de la coercition. Il faut mieux équiper
les forces de sécurité. Celles-ci doivent être plus mobiles, disposer de
plus d’outils et d’équipement pour mieux jouer leur rôle. Pour le cas
spécifique du nord, il y a la superposition de trois niveaux de
menaces : l’irrédentisme touareg sera notre priorité, les trafics
illicites doivent être sévèrement combattus et la question de la
sanctuarisation d’AQMI doit être traitée avec intelligence dans un cadre
concerté avec les pays voisins.
Nous devons accepter de travailler avec les élus et les
leaders de communautés dans le cadre des règles nationales. Je crois
qu’il faudrait que nous soyons crédibles et engageons-nous sans jeu
inutile dans l’application des accords conclus. Au-delà de tout ceci,
les personnes qui persisteraient dans les attitudes négatives doivent
être combattues de manière résolue.
La présidentielle mais aussi un référendum sont annoncés pour avril 2012. Quelles sont vos impressions sur ces deux sujets ?
Le chronogramme annoncé des présidentiels est normal et
conforme aux mandats actuels. Cela instaure une habitude positive
consistant à laisser les mandats aller normalement à leur terme.
Pour ce qui concerne le référendum, c’est un exercice
démocratique quelque fois nécessaire pour donner une onction populaire à
certaines démarches. En cela, il ne pose pas de problème, au contraire.
Il faut seulement que les autorités arrivent à répondre au défi
logistique que cela implique. Pour le fond, notre parti et ses alliés
sont en train de réfléchir sur la question et donnera le moment opportun
la position que nous soutiendrons à l’occasion des campagnes.
Et votre mot de la fin ?
Je voudrais saisir cette occasion pour appeler nos
compatriotes qui ne sont pas encore inscrits sur les listes électorales
de le faire. Le vote est un acte citoyen qui peut influer sur l’avenir
du pays et notre futur. Que chacun aille s’inscrire et fasse que ses
amis et proches aussi s’inscrivent. Enfin, en ce début de mois saint
zoul HIDJA, prions pour le progrès et le bonheur du pays, de tous les
maliens dans une Afrique unie et prospère.
Propos recueillis par
Seydou Coulibaly
28 Octobre 2011
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