Yahya Jammeh est parti depuis janvier 2017, mais les attaques contre la presse, caractéristiques de l’ancien régime, n’ont pas complètement disparu. Samedi 5 août, Louis Mendy et Modou Ceesay, journalistes pour la GRTS, la radiotélévision nationale gambienne, se sont rendus dans le village de Bujinga pour y couvrir les obsèques de la mère de l’ancien président gambien. Sur place, Louis Mendy raconte que son collègue a reçu une claque et plusieurs coups alors qu’il tentait de filmer le cortège.
Leur caméra a également été saisie par un groupe de personnes dont au
moins une portait un brassard de sécurité au nom de l’APRC, l’ancien
parti au pouvoir. Les deux journalistes sont finalement parvenus à
prendre la fuite grâce à leur chauffeur arrivé sur les lieux. Ils ont
ensuite déposé une plainte au commissariat de police.
“Il est urgent que les promesses en matière de liberté de la
presse du nouveau régime se traduisent par des actes concrets, en
commençant par une enquête sérieuse pour identifier et sanctionner les
auteurs de cette agression, afin que cessent les vieux réflexes de l’ère
Jammeh et ses attaques systématiques contre les journalistes, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Tant
que le sentiment d’impunité dominera, les attaques continueront et les
autorités ne parviendront pas à garantir un environnement sécurisé pour
les journalistes.”
Dans un communiqué,
le syndicat des journalistes gambiens (Gambian Press Union - GPU) a
appelé la police à “traduire les responsables de cette attaque en
justice” et les leaders des partis politiques à “sensibiliser leurs
militants afin qu’ils ne considèrent plus les journalistes comme des
ennemis”. Selon le GPU, la police et les partisans des partis politiques
ont constitué “la plus importante menace pour la liberté de la presse”
dans le pays depuis le départ de Yahya Jammeh.
Le 18 juin, Pa Modou Bojang, directeur de la radio Home Digital Fm avait été violemment frappé
en marge d’une manifestation par des éléments de la police qui avaient
exprimé leur nostalgie de l’ère Yahya Jammeh. Torturé pendant trois
semaines dans les geôles de l’ancien dictateur en 2008, ce qu’il l’avait
conduit en exil, ce journaliste était de retour en Gambie depuis cinq
mois seulement lorsqu’il a été agressé.
Lors de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la
presse le 3 mai dernier, Demba Ali Jawo, l’ex-ministre de l’Information
et de la Communication, avait affirmé que le développement des libertés
pour les médias “ne servirait à rien tant que l’impunité continuerait”
et que seuls “la justice et l’Etat de droit permettent d’assurer la
protection des journalistes”.
La Gambie (122e) a gagné 21 places, soit la plus grosse progression mondiale, dans le Classement 2018 de la liberté de la presse établi par RSF.